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ATHÈNES ET LA RÉVOLUTION GRECQUE.

dans l’ombre, sans bruit, et de façon à pouvoir se retirer sans être vu, si l’alarme était donnée, tel a toujours été l’ordre immuable, telle est la marche qu’elle vient encore de suivre en Grèce. La conduite sage du roi Othon dans ces dernières circonstances a déjoué tous les calculs que les ennemis de la Grèce avaient pu baser sur l’opiniâtreté bien connue de son caractère. Ils espéraient le voir rompre plutôt que plier ; mais il a cédé, et il a eu raison. Le roi est maintenant tel que le voulaient les Grecs, tel qu’il avait promis d’être. Le pays a donc gagné la partie, et le souverain n’a rien perdu ; car, si en prêtant serment au régime constitutionnel, le roi des Grecs a renoncé à la plus grande partie de ses pouvoirs, on sait que ces pouvoirs auraient toujours été inutiles entre ses mains. Par le fait, son rôle n’a pas changé. Seulement il s’est déchargé d’une immense responsabilité, et il a laissé place à d’autres pour qu’ils fassent ce qu’il n’a pu faire. Voilà ce qu’on pense en Grèce ; ailleurs on juge autrement les choses. En voyant ce jeune monarque obligé de déclarer solennel le jour où il a perdu ses prérogatives, l’Europe a compris la faiblesse du roi des Grecs. Elle sait combien est petite la part qu’on doit lui faire ; elle sait que, si on ne doit pas l’accuser des fautes du gouvernement qui vient de tomber, il ne faudra pas, non plus, lui attribuer le bien que pourra faire celui qui va s’établir. Si la prospérité renaît en Grèce, nul n’en tiendra compte au roi Othon. Quoi qu’il puisse arriver, ce prince a perdu l’occasion d’être appelé le régénérateur de la Grèce, et ce beau titre lui fut offert.

Combien était belle la position que donnait au fils du roi de Bavière le décret des trois puissances ! Quel plus beau rêve s’est jamais offert à l’imagination d’un jeune prince ? Ce rêve était réalisable : le roi Othon avait peut-être sous la main tous les élémens d’une restauration ; mais les circonstances étaient difficiles, il fallait une voix puissante pour maintenir chacun à son poste, dans un temps où le vaisseau de l’état, pour nous servir de la comparaison d’un grand orateur, était une barque si fragile, si vacillante, que le déplacement de quelques misérables individualités pouvait la submerger. Il eût fallu au gouvernail un pilote prudent et hardi pour sauver la Grèce. Qui sait si l’avenir ne se serait pas chargé de doter le jeune royaume ? qui sait si cette nation régénérée n’aurait pas, au jour d’une imminente catastrophe, maintenu du côté de l’Orient l’équilibre européen ? Au lieu de cela, qu’est-il arrivé ? qu’arrivera-t-il ? Le jour où les débris de l’empire ottoman rouleront vers l’Occident, qui peut dire si la Grèce ne sera pas entraînée par cette grande avalanche, et