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donc l’apothéose de l’amour et la destruction du mariage. Pour tout dire, cette levée de boucliers contre le mariage n’était qu’une insurrection de griefs personnels. Ces femmes confondirent la cause de tout leur sexe avec leurs infortunes particulières, et, de bonne foi peut-être, elles prirent dans le mariage, pour l’institution même, ce qui n’était que des incidens malheureux. La colère était leur muse, et elles étaient comme des soldats qui, après avoir essuyé le feu meurtrier d’une citadelle, montent furieux à l’assaut, moins pour remporter une victoire que pour se venger. L’assaut fut livré, et l’on vit, dans la chaleur du combat, briller à plusieurs reprises le drapeau d’une Clorinde que les prudens conseils ne pouvaient toujours contenir, et qui osait se compromettre en de telles luttes. Chez elle, du moins, l’éclat de l’action pouvait en sauver l’inconvenance, et il y aurait amnistie pour ses témérités, si depuis elle avait su prendre sa revanche en vraie Clorinde de la poésie et de l’éloquence, au lieu d’égarer ses coups et de se perdre dans une obscure mêlée.

Qu’arrivera-t-il maintenant ? Gallus disait il y a bien des siècles :

Feminæ natura varium et mutabile semper ;
Diligat ambiguum est, oderit anne magis ;
Nil adeo medium ............
Et tantum constans in levitate suâ est.

Si Gallus disait vrai, s’il n’était exagéré comme tous les poètes, nous serions à la veille d’un mouvement qui ressemblerait à une réaction. Nil adeo medium ; du dévergondage, nous tomberions dans le pédantisme On deviendrait précieuse et collet-monté, et de tous côtés on ne verrait que femmes s’emparant, comme de leur bien légitime, des plus hautes questions de la religion et de la philosophie, écrivant de volumineux traités et vivant dans le commerce intime des anciens philosophes, des pères de l’église, des théologiens ; nous serions entourés de savantes, en un mot, qui, pour l’amour du grec, pourraient encore se compromettre, et qui feraient refleurir des travers que nous leur pardonnerions volontiers, s’ils devaient ressusciter Molière. Cette réaction est imaginaire sans doute ; cependant aujourd’hui même n’avons-nous pas à nous occuper d’un livre qui, s’il n’est pas l’œuvre d’une savante, est l’œuvre d’une puritaine, et qui autoriserait le poète, je le crains bien, à répéter en souriant : Nil adeo medium ? Ce livre, remarquable à beaucoup d’égards, a attiré l’attention des esprits sérieux, et appelle de notre part une ap-