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LA VIE ET LES ÉCRITS DE VANINI.

et tel qu’il l’avait écrit pour lui-même, doit contenir sa secrète pensée. Quelle est donc cette pensée ?

Le titre, en vérité, se présente assez mal : Des Secrets admirables de la Nature, reine et déesse des mortels ; c’est, ce semble, le contre-pied de celui-ci : Amphithéâtre de l’éternelle Providence. Le livre est dédié à Bassompierre, homme de guerre et de plaisir, dont on ne s’attend pas à trouver le nom en tête d’un ouvrage de philosophie ; et on ne lui voit guère d’autre titre à cette dédicace que sa munificence connue. Vanini en fait un saint, et, jouant sur son nom, il nous donne Bassompierre comme la base de l’église de saint Pierre[1]. Le grand seigneur a pu rire un moment de ce jeu de mots, mais il a dû être bien autrement touché d’une flatterie d’un genre différent et mieux assortie à ses habitudes. Vanini, après avoir épuisé l’énumération des qualités de son héros, en vient à sa beauté, « à cette beauté qui lui a gagné, dit-il, l’amour de mille héroïnes plus charmantes qu’Hélène. » Pour être juste, il faut ajouter que ce galant compliment se termine en un argument théologique ; car, la beauté de Bassompierre n’attire pas seulement les femmes, elle accable les athées qui, « frappés de l’éclat et de la majesté de ce visage, n’osent plus soutenir que l’homme n’est pas l’image de Dieu. » Nous savons que les dédicaces du commencement du XVIIe siècle, même sous d’autres plumes que celle de Vanini, sont en possession d’être fort ridicules ; cependant celle-ci passe la permission, et, jointe au titre, elle forme un assez triste préambule à un livre de philosophie.

Eh bien ! le livre est digne du préambule. Nous l’avons lu d’un bout à l’autre avec attention, sans aucun préjugé, et dans l’ensemble comme dans les détails, dans le ton général comme dans les principes, nous trouvons à découvert ce que nous n’avions pas vu, ou plutôt le contraire de ce que nous avions vu dans l’Amphithéâtre ; et, avec la même sincérité que nous avions absous le précédent écrit, nous déclarons celui-ci coupable. Il est coupable envers le christianisme, envers Dieu, envers la morale. Nous pouvons dire aujourd’hui la vérité tout entière : nous ne témoignons pas devant le parlement de Toulouse, mais devant l’histoire, qui, moins impitoyable que les hommes, parce qu’elle est plus éclairée, ne peut assurément s’indigner et s’étonner de rencontrer dans un philosophe du XVIe siècle les erreurs et la licence de son temps. Disons-le donc

  1. Dial., dédicace, p. 7 : Bassompetrœus Petri S. Ecclesiœ basis.