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LA VIE ET LES ÉCRITS DE VANINI.

comparaisons, tandis que conclure de l’ame à Dieu, c’est conclure, sinon du même au même, au moins du semblable au semblable, de l’ordre spirituel à l’ordre spirituel : induction rigoureusement légitime pourvu qu’il soit tenu compte aussi des différences.

Une fois que Dieu n’est plus qu’une substance infinie, dépourvue de puissance causatrice, qu’est-ce que l’homme, qu’est-ce que le monde par rapport à Dieu ?

Le monde est l’ensemble des êtres finis, que Dieu surpasse de son infinitude, mais qu’il n’a pas faits, qu’il n’a produits ni avec son intelligence ni avec sa volonté, car il n’a pas de volonté ; et son intelligence, si toutefois il en a, ne peut être un principe de mouvement ; de sorte que le monde, n’ayant pas de cause, tout fini et borné qu’il est, est nécessairement éternel. Le monde est fini en tant qu’il est borné en grandeur et en puissance ; mais il est infini en durée, si Dieu n’a pu lui donner naissance. Voilà déjà le monde assez peu différent de Dieu[1].

« Dieu ne pouvait faire le ciel égal à lui et infini en puissance ; mais il le fit semblable à lui, et infini en durée. Il faut dire que le ciel est fini en grandeur et en puissance, mais qu’il est infini en durée, parce que Dieu n’a pu faire un autre Dieu, et qu’il eût fait un autre Dieu, s’il eût fait le monde infini en puissance, mais qu’il le fit infini en durée, parce que c’est là la seule perfection que puisse avoir une chose créée. Exprimons la chose plus philosophiquement. Le premier principe ne pouvait produire quelque chose qui lui fût absolument semblable ou absolument dissemblable ; ni semblable, car tout ce qui est fait par un autre suppose quelque chose qui lui est supérieur ; ni dissemblable, parce qu’en Dieu l’agent et l’action ne diffèrent pas. Ainsi, comme Dieu est un, le monde a été un sans l’être absolument ; comme Dieu est tout, le monde a été tout et non pas tout ; comme Dieu est éternel, le monde a été éternel et non éternel. Parce que le monde est un, il est éternel, car il n’a ni semblable ni contraire ; et parce qu’il n’est pas un, il n’est pas éternel, car il est composé de parties contraires qui se détruisent réciproquement et renaissent de cette corruption mutuelle en sorte que l’éternité du monde consiste dans la succession, et son unité dans la continuité. »

Et Alexandre s’écrie : « Ta sagesse est plus qu’humaine. » — La moindre attention découvre ici une contradiction manifeste. Vanini déclare tour à tour que le monde est éternel et qu’il ne l’est pas. Il faut opter entre ces deux opinions. Vanini adopte tantôt l’une et tantôt l’autre. Ici[2], il rapporte et réfute tous les systèmes anciens

  1. Dial., p. 30.
  2. Ibid. 50, p. 362.