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LE CARDINAL DE RICHELIEU.

Aucun de ces mouvemens n’échappait à Richelieu, qui mesurait toute la portée d’une révolution dont la conséquence dernière aurait été de changer l’Allemagne en une monarchie purement autrichienne ; mais il ne pouvait intervenir activement dans cette crise avant d’avoir conquis l’ordre intérieur par la soumission des réformés, et terminé l’affaire de Mantoue, dans laquelle était engagé un intérêt plus direct pour la France. Le cardinal s’imposa toujours pour règle de conduite de vider successivement les questions dans l’ordre de leur importance relative : aussi tous les efforts de ses négociations comme de ses armes portèrent-ils d’abord sur les affaires d’Italie, ce qui n’empêcha pas le père Joseph, pendant son ambassade de 1630 à Ratisbonne, de déployer toutes les ressources de son esprit pour déterminer la diète à ajourner l’élection, comme roi des Romains, du fils de l’empereur, élu déjà roi de Hongrie et de Bohême[1]. Lorsque le Danemark eut quitté le champ de bataille, Richelieu estima le moment venu de faire un pas plus décisif. Il chargea le baron de Charnacé de reprendre avec le roi de Suède une négociation entamée l’année précédente, négociation dont le succès était devenu possible depuis que les efforts du ministre français avaient amené la fin des hostilités entre la Pologne et Gustave-Adolphe.

Agir immédiatement par un traité de subsides, préparer des moyens plus décisifs si les évènemens les rendaient nécessaires, tel fut le plan de Richelieu. La négociation avec Gustave soulevait les questions les plus délicates comme les plus graves. Il fallait ménager les susceptibilités du prince le plus hautain de son temps ; il était plus nécessaire encore de rassurer les catholiques en leur prouvant, à l’aide de documens irrécusables, qu’en s’engageant dans une question purement politique, le roi très chrétien ne compromettait en aucune sorte la question religieuse. La transaction avec la Suède se trouvait d’ailleurs entravée par une autre négociation suivie avec quelques princes catholiques afin de les détacher de l’empereur en assurant leur neutralité sous la garantie de la France. Il fallait donc qu’en descendant en Allemagne pour venger les protestans dépossédés par l’empereur, le roi de Suède s’engageât à respecter tous les faits couverts par le patronage de la France, et plus particulièrement les acquisitions de la Bavière, si celle-ci déclarait vouloir adhérer à la neutralité catholique. On exigea plus, et Gustave dut s’engager,

  1. Histoire des guerres et des négociations qui ont précédé le traité de Westphalie, par le père Bougeant, liv. II, par. LXXIII.