Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 4.djvu/753

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
747
LE CARDINAL DE RICHELIEU.

puis plus d’un siècle. Le congrès de Westphalie, ce concile de Trente du monde politique interrompu comme celui-ci par de grandes batailles et de grandes morts, ne devait pas, il est vrai, donner de sitôt la paix à l’Europe ; mais déjà Richelieu pouvait proclamer comme sienne l’œuvre dont il avait préparé les bases, et dont il léguait l’honneur à l’habile successeur qu’il s’était choisi. La reconstitution et l’indépendance de l’empire germanique sous la garantie de la France devenue maîtresse de l’Alsace, tel était donc le dernier mot de cette existence, dont le cours fut agité par tant d’épreuves, et la fin troublée par tant de fantômes.

Si de toutes les passions humaines l’ambition n’était la plus incurable, le spectacle des dernières années du ministre sous lequel fléchissait alors l’Europe serait à détourner de toutes les lèvres la coupe amère du pouvoir. Tant que dura la lutte entre les grands et le ministre, entre les princes et la royauté, Richelieu n’eut à redouter que les dangers du combat et peut-être, dans une défaite, la chance d’un arrêt terrible ; mais lorsqu’il ne resta plus d’espoir à cette mère de roi, contrainte d’étaler sa misère dans toutes les cours, lorsque les plus grands noms de la monarchie se trouvèrent jetés en prison ou dans l’exil sans que se réalisât jamais cette révolution ministérielle long-temps attendue par tant de proscrits, un grand changement s’opéra dans l’attitude et les manœuvres des partis. Richelieu n’eut plus devant lui des ennemis, mais des victimes, et les tentatives d’assassinat vinrent remplacer une lutte devenue impossible. À des coups de hache on répondit par des coups de poignard, et l’assassinat politique était protégé dans ce siècle par des maximes tellement accréditées, que c’est un éloge à décerner au cardinal que de n’y avoir jamais recouru.

Menacé par les agens de la reine et par ceux du duc d’Orléans, Richelieu le fut aussi du côté de l’Espagne, qui demandait à d’obscurs complots ce qu’elle était réduite à ne plus attendre du sort des armes. Les cours de justice et les commissions extraordinaires eurent à protéger souvent la sûreté du ministre par des arrêts de mort[1]. Mais combien de vaines terreurs pour une inquiétude vrai-

  1. Procès d’Alpheston, de Chavagnat, de Castrin, du père Chanteloube. — Recueil de pièces à la suite de Leclerc, t. IV. On lira peut-être avec intérêt la liste complète des personnes exécutées sous le ministère de Richelieu. La voici telle qu’elle est dressée dans ce recueil, publié à la suite de l’édit d’Amsterdam, 1753. Elle est de nature à redresser beaucoup d’erreurs sur le nombre des victimes immolées à la politique du cardinal.

    Pendant un ministère de dix-huit années, quarante-sept condamnations capitales