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fort pour résister à ceux qui se serviront de son nom, tout déshonoré qu’il puisse être ? Les chances de cet avenir pèsent sur l’esprit du ministre, qui s’efforce en vain de les conjurer en tendant tous les ressorts d’une omnipotence dont le principe repose sur une autre tête, et que la mort peut faire crouler d’un instant à l’autre. La fin prochaine du roi préoccupe sans cesse cet autre moribond ; mille projets incohérens traversent son cerveau desséché par la fièvre, et, sur le seuil de l’éternité, il rêve encore le pouvoir.

Cependant, aux premiers jours de décembre 1642, une grande émotion régnait dans Paris. La foule se pressait aux abords du palais Cardinal ; le saint sacrement était exposé sur tous les autels, et les cloches portaient dans les airs un glas d’agonie. On venait d’apprendre qu’à la suite d’un long accès de fièvre M. le cardinal de Richelieu était tombé dans un état qui ne permettait plus d’espérance. La vie se retirait d’heure en heure en laissant à cette tête puissante la plénitude de ses facultés. Toutes les pompes de la terre disparurent alors devant celles de la religion, et il se fit dans cette ame troublée par tant de soins un subit et mystérieux apaisement des bruits et des passions de la terre. Jamais dégagement des choses humaines ne fut plus rapide et plus complet, jamais la mort ne fut acceptée avec plus de résignation et de foi. Préparé par l’évêque de Chartres, son confesseur, à une mort dont il parut apprendre avec joie que le terme était proche, il demanda le viatique et le reçut avec des transports de repentir et d’amour.

« On donna l’ordre d’aller chercher le père Léon, carme, et le curé de Saint-Eustache, pour apporter les saintes huiles. Pendant cette dernière cérémonie, le curé lui ayant proposé d’omettre certaines circonstances pour une personne de sa sorte, son éminence supplia qu’on le traitât comme le commun des chrétiens. Après l’énumération des principaux articles de foi, le curé lui ayant demandé s’il les croyait, il repartit : Absolument, et plût à Dieu avoir mille vies afin de les donner pour la foi et pour l’église ! À la demande s’il pardonnait à tous ses ennemis qui pouvaient l’avoir offensé : De tout mon cœur, dit-il, comme je prie Dieu qu’il me pardonne. Enfin enquis, par M. le curé,

    arriver. Nous consentons, en outre, à la vie particulière que nous supplions sa majesté de nous permettre de mener, sans avoir aucun bien que celui qu’il plaira au roi de nous prescrire, et sans pouvoir tenir auprès de nous aucune personne que sa majesté nous témoigne lui être désagréable : le tout sous peine de décheoir, par la moindre contravention à tout ce que dessus, de la grace que nous supplions le roi de nous accorder, après la faute que nous avons commise. » (Déclaration du duc d’Orléans, enregistrée au parlement de Paris le 3 août 1642.)