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l’expression américaine, vont toujours en avant (go a head) ; il est donc impossible que le désordre ne se mette pas de la partie. La prévoyance sociale n’a pas le temps d’intervenir pour régulariser le cours de ces progrès. On bâtit à l’aventure ; les populations viennent s’entasser dans des quartiers où elles manquent d’espace et d’abri ; enfin des maladies précoces, l’infection physique et la corruption morale fermentent au plus épais de ces grandes réunions ; on est bientôt réduit à reprendre en sous-œuvre les fondemens de la société.

Tous les villes récemment formées ou récemment accrues présentent les symptômes de ce trouble social. Paris n’est qu’une vaste hôtellerie, où la population laborieuse demeure essentiellement flottante, et n’a pas, à proprement parler, de domicile ; cent vingt mille malades par an traversent les hôpitaux et dix à douze mille y meurent, le tiers des décès annuels. Lyon figure un amalgame informe, qui se compose de trois villes distinctes, qui a trois polices et trois administrations. Il en est de même de Londres et de Glasgow. Manchester s’est élevé un peu au hasard, entre deux paroisses qu’il réunit aujourd’hui, Salford et Chorlton. Il y a quelques années, Manchester n’avait encore ni représentans dans le parlement, ni municipalité, ni police, ni tribunaux ; cette ville dépendait de Salford, qui n’est plus aujourd’hui qu’un de ses faubourgs.

Les cités modernes peuvent se ramener à trois types principaux, qui sont : les capitales, les places de commerce, et les villes manufacturières. Chacune de ces variétés a une influence différente sur le bien-être, sur l’activité, sur l’intelligence et sur la moralité des hommes qui s’y trouvent rassemblés. Londres, Liverpool et Manchester résument les populations urbaines dans le royaume-uni. J’ai déjà esquissé, par quelques côtés, la physionomie de Londres. Liverpool soulève des problèmes semblables, mais sans aucun mélange de ces accidens qui tiennent à la vie politique et aux habitudes du grand monde. C’est aussi la transition la plus naturelle pour aborder les régions de l’industrie au sommet desquelles Manchester est placé.

Jusque vers la fin du XVIIIe siècle, Londres et Bristol se partageaient le commerce britannique ; Liverpool comptait pour bien peu dans ce mouvement. Aucun établissement commercial, sans même excepter New-York, n’a eu des commencemens aussi récens ni aussi humbles, et ne présente aujourd’hui le spectacle d’une aussi merveilleuse prospérité. Liverpool ou Litherpool était, il y a deux cents ans, une