Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 4.djvu/802

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
796
REVUE DES DEUX MONDES.

Le système des docks ou bassins à flot est le plus notable perfectionnement que l’on ait apporté à la manutention des marchandises dans les ports de l’Océan. Le commerce de Liverpool a dû à cette découverte, dont il avait tout l’honneur, ses premiers succès et son ascendant définitif. Les docks économisant la main-d’œuvre pour le chargement et pour le déchargement des navires, les armateurs ont dirigé de préférence leurs cargaisons vers le port qui leur offrait ces facilités. L’admirable position de Liverpool a fait le reste. La Mersey devenant praticable, les vaisseaux de toutes les parties du monde y ont afflué.

Il faut dire cependant que, si les habitans de Liverpool ont inventé les docks commerciaux, ils ne paraissent pas s’être beaucoup inquiétés d’en améliorer l’économie. À Londres, un dock n’est pas seulement un bassin à niveau fixe, entouré de quais qui permettent de charger et de décharger les navires sans difficulté ; c’est en même temps un lieu de dépôt et d’entrepôt. Des magasins spacieux et à plusieurs étages, surmontant les quais, reçoivent les marchandises à mesure que les vaisseaux les apportent ; ils servent à les classer et les retiennent sous clé. La compagnie qui administre le dock donne au propriétaire des marchandises un récépissé ou titre de garantie (warrant) que celui-ci transmet à l’acheteur par voie d’endossement. Les sucres, les cafés, les indigos, les cotons, se monnaient ainsi, et, transformés en billets de banque, ces produits d’un autre hémisphère entrent dans la circulation. Les achats et les ventes, qui exigeaient auparavant la livraison des marchandises, s’opèrent par la simple transmission des titres. Le crédit commercial devient quelque chose de semblable au crédit en matière de banque, et les opérations quotidiennes d’une grande place peuvent se liquider par des soldes entre les mains des courtiers.

Ce n’est pas tout ; le commerçant qui laisse ses marchandises dans les docks n’a besoin ni de louer des magasins immenses, ni d’avoir de nombreux commis, ni d’entretenir une armée de portefaix. La compagnie des docks reçoit, vérifie et enregistre pour lui. Il lui suffit donc d’avoir un comptoir dans la Cité, et de conserver par des écritures courantes la trace de ses opérations. Moyennant de légers droits payés à la compagnie, il est dégagé de tous soins, de toute responsabilité, et n’a plus à songer qu’au bon emploi de ses capitaux. La marchandise, en outre, n’étant plus exposée au déchet qui est la conséquence inévitable de plusieurs transports successifs, se conserve beaucoup mieux. En la faisant passer immédiatement de