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placemens commodes pour déposer les marchandises, et, aussitôt que le capital de construction serait amorti, les navires pourraient y entrer sans payer de droits. Assurément, si les entrepreneurs du dock de Birkenhead se flattaient d’attirer de l’autre côté de la Mersey le mouvement commercial dont Liverpool est le centre, un pareil projet pourrait passer pour un rêve ou pour une folie. On ne déplace pas en un jour des relations qui ont mis un siècle et demi à se former, et les grands marchés, quels que soient les inconvéniens de leur situation, appellent nécessairement les marchandises, les hommes ainsi que les capitaux. Mais un dock à Birkenhead, étant placé au pied du chemin de fer qui va à Chester, de Chester à Crewe, et de Crewe à Birmingham, aurait des chances pour devenir l’entrepôt des produits qui seraient dirigés du centre et du sud de l’Angleterre sur Liverpool, ainsi que des provenances exotiques destinées aux comtés de l’intérieur. Cet établissement se trouverait tout aussi près de Liverpool que les docks des Indes occidentales le sont de Londres ; car, en quelques minutes et pour 3 d., des bateaux à vapeur transportent les passagers du quai voisin de la douane à Birkenhead, et les grands négocians de Liverpool habitent presque tous, dans la belle saison, des maisons de campagne situées non loin de cette petite ville, dans l’isthme formé par les deux rivières de la Dee et de la Mersey.

La création des docks ne suffit pas pour expliquer les accroissemens de Liverpool. On en trouve surtout la raison dans l’habileté vraiment merveilleuse avec laquelle ses habitans ont su constamment s’accommoder aux circonstances et en tirer parti. Les moyens qu’ils employèrent ne furent pas toujours de ceux que la morale avoue. Au XVIIIe siècle, voyant le commerce des colonies acquis à Londres et à Bristol, ils se mirent à faire la traite, et, de 1750 à 1770, transportèrent plus de trois cent mille esclaves, avec un profit net de 200 millions[1]. Plus tard, ils attirèrent à eux le commerce des États-Unis, qu’ils monopolisent aujourd’hui. Enfin, le commerce de l’Angleterre avec l’Irlande s’est presque entièrement concentré à Liverpool depuis l’acte d’union.

Les négocians de Liverpool continuèrent la traite, même après le bill de Wilberforce ; mais les maisons les plus considérables et les plus considérées cessèrent de tremper dans ces odieuses spéculations. Si j’en crois des accusations dont la presse anglaise a retenti, des capitalistes de Liverpool sont encore aujourd’hui intéressés dans

  1. Dictionnaire du Commerce, article Liverpool.