Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 4.djvu/809

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
803
ÉTUDES SUR L’ANGLETERRE.

expulse les ouvriers anglais en offrant ses services à un plus bas prix. On compte déjà plus de 70,000 Irlandais à Liverpool ; ils y arrivent par bandes, pâles de faim et à demi couverts de sales haillons[1] ; ils s’emparent du port, où les chargemens et les déchargemens se font par leurs mains avec une surprenante rapidité, et leur nombre augmente d’année en année.

La fortune de Liverpool vient surtout du coton. Le coton a été le principe de ses relations avec les États-Unis et avec l’Irlande ; c’est le coton qui lui a valu sa clientèle de consommateurs au dedans et au dehors. En 1784, les officiers de la douane à Liverpool saisirent huit balles de coton sur un vaisseau américain, ne pouvant pas croire que ce coton fût un produit des États-Unis[2]. Aujourd’hui les États-Unis expédient en Europe onze à douze cent mille balles de coton, dont la Grande-Bretagne absorbe plus des deux tiers, et la France un peu moins d’un quart.

Liverpool est le grand marché du coton, non-seulement pour l’Angleterre, mais pour l’Europe. Les manufactures de la Belgique et souvent celles de la France viennent y chercher la matière première, qui est généralement cotée à plus haut prix sur les marchés de second ordre, tels que le Havre, Hambourg et Rotterdam. En 1833, sur une importation de 930,000 balles, Liverpool en reçut 840,950, Londres 40,350, et Glasgow 48,913. La proportion n’a pas cessé de s’accroître, et les cotons en laine importés à Liverpool ont été de 839,285 balles en 1834, de 968,279 en 1835, de 1,022,871 en 1836, de 1,034,000 en 1837, de 1,330,430 en 1838[3]. Enfin, ce qui décide la supériorité de cette place, on y trouve constamment 200 à 300,000 balles de coton en entrepôt, qui assurent la régularité des cours contre toute spéculation.

Au reste, quelles qu’aient pu être les vicissitudes qui aient troublé les relations de l’Angleterre avec l’Amérique, les importations et les exportations de la manufacture de coton dans la Grande-Bretagne n’ont pas éprouvé une dépression aussi considérable qu’on le croit. Le tableau suivant atteste au contraire, dans cette branche du commerce extérieur, une assez grande fermeté.

  1. « They look very rniserable, badly clothed and of sallow complexion. » (Interrogatoire de M. John Ewart)
  2. Baine’s history of cotton manufacture.
  3. Mac-Culloch’s commercial Dictionnary.