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de la concilier avec la protection que l’état doit aux individus et à la société ! Les esprits impatiens, absolus, s’irritaient et s’égaraient au milieu des obstacles que leur opposait de toutes parts cette immense question politique, et ne voyant d’issue que dans un parti extrême, ils en concluaient, les uns, qu’il fallait accepter la censure, les autres, qu’il fallait se résigner à l’anarchie. Heureusement les uns et les autres se trompaient ; la liberté de la presse a pu être réglée et conciliée avec les droits et les obligations de l’état.

Les esprits sont à l’œuvre pour obtenir un résultat analogue dans une matière plus grave encore et plus délicate, qui est l’enseignement de la jeunesse, l’instruction de cette élite de ses enfans que la patrie appelle plus particulièrement à l’exercice des professions libérales, à la vie politique, aux méditations de la science et aux travaux littéraires : c’est dans leurs mains que notre génération aura placé le brillant et précieux dépôt de la science et de la littérature française ; il leur appartiendra de le garder et de l’étendre ; c’est sa puissance intellectuelle, sa grandeur morale, sa gloire la plus pure, que la France leur confie.

Loin de nous la pensée de rappeler ici tous les écrits qu’a déjà fait naître l’étude de cette question. Disons seulement qu’à mesure que la session approche, la question passe tout naturellement des mains des hommes spéciaux et des parties intéressées aux mains des hommes politiques ; les hommes spéciaux ont laborieusement préparé les matériaux et mis en relief les principes ; les hommes politiques vont en tirer les conséquences. C’est à eux d’examiner quels sont, dans la situation du pays, les résultats possibles et praticables ; c’est à eux de se tenir en garde contre les exagérations de toute partie intéressée.

Parmi les hommes politiques que cette grande question a vivement préoccupés, empressons-nous de citer M. de Lamartine. Il vient de préluder aux débats de la chambre par un écrit que la presse quotidienne nous a fait connaître, et où l’on retrouve tout l’éclat de sa parole. Le travail n’est pas complet ; une seconde partie nous est promise, et il est juste de reconnaître qu’avant la publication de cette seconde partie, on n’a pas le droit de porter un jugement définitif sur les idées de l’illustre écrivain.

Il n’est pas moins vrai que le morceau que nous connaissons présente, par les principes qu’on y établit et par la conclusion qui le termine, un tout, un ensemble, quelque chose d’absolu, et qui ne semble pas pouvoir admettre de modifications ultérieures.

Si nous avons bien saisi la pensée de l’auteur, M. de Lamartine, frappé des différences profondes qui distinguent l’église et l’état, de la diversité de leurs droits, de leurs pouvoirs, de leur mission, en conclut que tout accord est impossible en matière d’enseignement entre la puissance temporelle et la puissance spirituelle, que toute transaction entre elles ne serait que prévarication et mensonge, que l’église ne peut rien concéder de son autorité illimitée sur les ames. Cela étant, les conséquences ne peuvent être douteuses pour un esprit généreux. Si tout accord raisonnable est impossible, il n’y a