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LE ROYAUME-UNI ET LE MINISTÈRE PEEL.

joignirent de longues et brûlantes dissertations sur la nullité radicale de l’union et, à l’appui de ses propres argumens, O’Connell ne cessa d’invoquer l’autorité des plus illustres patriotes, des plus savans jurisconsultes de l’Irlande à l’époque de l’union. Il rappela que Grattan et Plunkett, Saurin et Bushe, ceux-là whigs, ceux-ci tories, s’étaient, en 1800, réunis pour déclarer que l’acte d’union ne pouvait lier l’Irlande, et qu’elle aurait droit de le briser le jour où elle en aurait la force et la volonté.

Ce n’est pas tout, et après tant de discours O’Connell sentit que le moment était venu de frapper l’opinion publique par quelques actes. Il imagina donc, d’une part, de constituer dans toutes les parties de l’Irlande des tribunaux volontaires qui prononceraient à titre d’arbitres sur les contestations qui leur seraient soumises ; de l’autre, de réunir à Dublin trois cents gentlemen qui, venus des villes et des comtés, apporteraient chacun une contribution de cent livres sterl., et s’occuperaient publiquement des intérêts du pays. « Ce ne seront, dit-il en expliquant son projet, ni des délégués, ni des représentans ; mais rien ne les empêche de se dissoudre après leur première séance et de se reconstituer le lendemain, par exemple pour dîner ensemble. Personne ne sera obligé d’obéir aux résolutions qu’ils prendront, de même que personne n’était obligé, en 1780, d’obéir au congrès américain. » Et comme quelques-uns de ses amis semblaient craindre que l’attorney-général n’intervînt : « Soyez tranquilles, répéta-t-il à plusieurs reprises, je suis un vieux pilote qui connaît les brisans, et je sais mon métier mieux que tous ces gens-là. Avec mes arbitres et mes trois cents gentlemen à Dublin, j’enlève aux Saxons la puissance judiciaire et la puissance législative ; mais je le fais de telle sorte que personne n’a rien à dire, et qu’aucune loi n’est violée. » Enfin, pour que sa pensée fût parfaitement comprise, en même temps qu’il convoquait les trois cents gentlemen, il proposait un plan complet pour la réorganisation du parlement irlandais, mais en faisant remarquer avec une certaine affectation ironique que « c’était là une mesure tout-à-fait distincte et qui n’avait aucun rapport avec la première. »

Pour compléter ce tableau, il me reste à parler du corps puissant d’auxiliaires qui, pendant toute cette campagne, prêta au grand agitateur un énergique appui. Que le clergé catholique sympathisât avec O’Connell et fût au fond du cœur favorable au rappel de l’union, personne n’en doutait ; mais, pendant plusieurs années, il avait cru devoir se renfermer dans une certaine réserve. Ce fut donc un grand jour pour O’Connell que celui où, par l’organe de ses évêques, il