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c’est qu’ils n’ont pas la plus légère idée de l’état des esprits et des partis dans la Grande-Bretagne. À vrai dire, sur cette question comme sur beaucoup d’autres, il n’y a entre les whigs et les tories modérés qu’une imperceptible différence dans les opinions. Ce sont les situations qui diffèrent, et les situations, à mesure que les évènemens deviennent plus graves, tendent à se rapprocher. Comme lord Palmerston, sir Robert Peel blâme donc certains propriétaires de leur dureté, et, de plus, il institue une commission pour examiner s’il est possible d’améliorer les rapports actuels entre eux et leurs fermiers. Comme lord Palmerston, sir Robert. Peel paraît fort disposé à bien traiter, tout en maintenant l’établissement anglican, le clergé catholique, et à lui donner de nouveaux moyens d’existence. Comme lord Palmerston enfin, sir Robert Peel consent volontiers à réviser la loi d’enregistrement électoral et à prévenir ainsi la diminution graduelle du nombre des votans ; mais, comme lord Palmerston, sir Robert Peel est forcé par l’opinion publique, si ce n’est par la sienne propre, de s’arrêter là. En somme, quand les whigs reprochent aux tories de ne rien faire, ils ont raison. Quand les tories se moquent du programme des whigs ils n’ont pas tort. J’ajoute que ce n’est la faute ni des uns ni des autres, mais celle du pays même qu’ils aspirent à gouverner, et dont les préjugés pèsent encore sur eux.

Il est pourtant un fait très curieux et qui ne doit pas passer inaperçu. Jusqu’à la dernière agitation, sir Robert Peel était, relativement à l’Irlande, l’homme le plus libéral de son parti. Il a cessé d’en être ainsi, et, derrière même les bancs où il siége, une petite fraction d’hommes d’esprit qui a pris ou reçu le nom de jeune Angleterre vient, du premier bond, de dépasser lord John Russell et lord Palmerston. Cette petite fraction, dont M. d’Israeli peut être considéré comme le chef, est peu nombreuse et ne se compose guère encore, outre M. d’Israeli, que de lord John Manners, de M. Smythe, de M. Cochrane, et quelquefois de M. Milnes. Or tous, lors de la motion sur l’état de l’Irlande, s’accordèrent pour déclarer qu’il fallait entrer, à l’égard de l’Irlande, dans une voie toute nouvelle. Tous en outre, à l’exception de M. Milnes, votèrent contre le cabinet dans cette occasion solennelle. Un autre membre tory que son âge empêche de comprendre dans la jeune Angleterre, le capitaine Rous, alla plus loin, et dit fort nettement que l’établissement anglican en Irlande lui paraissait scandaleux. Avant le vote sur le bill des armes enfin, M. d’Israeli prit la parole, et, reconnaissant la