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peu de chose que d’avoir amené les radicaux à se prononcer énergiquement contre toutes les iniquités dont l’Irlande est victime, les whigs à proclamer, bien qu’avec hésitation et ambiguïté, le principe de l’égalité civile, politique et religieuse entre les deux pays, une fraction des tories à reconnaître que les griefs de l’Irlande sont fondés pour la plupart, le ministère enfin, ce ministère dont lord Lyndhurst et lord Stanley font partie, à promettre quelques mesures de conciliation, et à instituer, pour commencer, une enquête solennelle sur les rapports du propriétaire et du fermier. O’Connell a mille fois raison quand il s’enorgueillit d’un tel changement et qu’il l’attribue à l’agitation dont il est l’ame. « Quand nous nous comportions bien, dit-il, et que nous gardions un silence modeste, on nous dédaignait et on riait de nos souffrances. Depuis que nous nous comportons mal et que nous devenons importuns et hargneux, on s’occupe de nous et on reconnaît que nous n’avons pas tort de nous plaindre. Qui donc, au commencement de la session, eût osé parler comme M. Roebuck, comme M. Ward l’ont fait, de l’église établie ? Qui, sans soulever la chambre entière, eût pu en signaler les abominations et les monstruosités ? Voilà ce que nous avons gagné à montrer un peu les dents. Pour moi, je m’engage à persévérer dans ma mauvaise conduite jusqu’à ce qu’elle ait produit tout son effet. » Est-ce la faute d’O’Connell ou de l’Angleterre si ces paroles sont exactement vraies, et s’il est impossible d’y répondre ?

Qu’O’Connell soit acquitté ou condamné, la situation de l’Irlande est très grave, et l’année 1844 verra peut-être éclater dans ce pays des évènemens considérables. Dernièrement, un repealer déterminé, M. Conner, s’est fait expulser de l’association pour avoir fait la proposition peu légale de ne payer ni rente, ni dîme, ni taxe quelconque jusqu’à ce que justice ait été rendue à l’Irlande. Néanmoins ce sont là de ces idées qui font leur chemin sourdement et qui peuvent un beau jour s’emparer du pays tout entier. N’a-t-on pas vu déjà, dans le comté de Carlow et ailleurs, des bandes de paysans venir la nuit couper et enlever les récoltes saisies pour rente due aux propriétaires ? N’a-t-on pas vu recommencer dans le comté de Tipperary quelques-uns de ces désordres agraires qui si souvent déjà ont ensanglanté l’Irlande ? Whiteboisme, ribbonisme, toutes ces associations funestes de la fin du dernier siècle, tendent à se former de nouveau, et O’Connell est obligé de les dénoncer chaque jour au pays comme les plus grands ennemis du rappel.

Parmi les moyens pacifiques indiqués par O’Connell, n’en est-il