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MOUVEMENT DES PEUPLES SLAVES.

Ils choisissaient leur roi dans une famille privilégiée, et la couronne était souvent le prix de la course à cheval.

Voilà donc les Slaves constitués en états sous l’influence étrangère. La vie n’était plus comme autrefois dispersée également sur tous les points du territoire. La Pologne et la Russie étaient des corps bien organisés, avec un cœur et des vertèbres ; le christianisme vint souffler en eux l’esprit. La Pologne devint catholique, la Russie grecque. Les circonstances de la conversion, le caractère du clergé, le rapport de l’église au pouvoir temporel, tout fut contraire dans les deux pays. Les Polonais, vivement pressés par l’empire germanique, qui faisait la croisade contre les païens du Nord, avaient intérêt à se faire baptiser. Les Allemands cessaient dès-lors leurs attaques, et la Pologne était délivrée de ses plus redoutables ennemis. La Russie, au contraire, faisait trembler les empereurs de Constantinople, qui cherchèrent à convertir les pirates normands pour cimenter la bonne intelligence. Le catholicisme ouvrit l’Occident à la Pologne ; la Russie, devenue grecque, se tourna vers l’Orient. L’église catholique demeura indépendante du pouvoir temporel, eut des tribuns pour toutes les libertés, et compta autrefois parmi ses moines et ses prêtres des hommes généreux qui cherchèrent à introduire l’esprit chrétien dans les institutions sociales. L’église grecque, isolée par le schisme, se trouva à la merci du prince, qui lui interdit d’abord les discussions théologiques ; bientôt, par une conséquence nécessaire, il lui retira la prédication, enfin la liberté d’écrire. Elle fut réduite au silence, et loin de protéger les peuples contre le despotisme, elle devint une proie et une force pour lui.

Mais l’invasion des Mongols fut l’évènement qui eut sur la Russie l’influence la plus décisive et la plus profonde. Au milieu de l’Asie s’élève un immense plateau caché derrière les pics étincelans de l’Himalaya et les blancs sommets de l’Altaï, triste steppe coupée de déserts de pierres, et battue par les tempêtes d’un ciel inclément. Là, durant des siècles, des hordes farouches comme leur patrie se promènent au-dessus des empires qui les ignorent et qu’elles doivent punir. Ce sont les Huns d’Attila et les Mongols de Tschinguis-Khan. À leurs traits, à leur caractère, on peut reconnaître cette race finnoise qui a reçu les steppes en héritage. Endurcis aux privations et aux intempéries, exercés aux manœuvres et aux campemens, prêts à marcher au premier signal, les Mongols vivaient enrégimentés, et naissaient pour ainsi dire tout disciplinés. Ils avaient un courage féroce, perfide, sans générosité, moins de la bravoure qu’un instinct carnassier, et de grands capitaines pour conduire leurs bandes affamées. Ces pâtres cavaliers étaient soumis à des chefs qui exerçaient le despotisme militaire le plus absolu. Sans mémoire de l’infini, l’ame froide et grossière, ils manquaient d’instinct religieux. Ce peuple, qui n’avait de culte que pour la force, de génie que pour la destruction, d’imagination que pour les supplices, semblait formé pour être le fléau de Dieu.

De vieilles rivalités divisaient les Mongols et les empêchaient de tenter