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REVUE DES DEUX MONDES.

Dans un roman publié quelque temps après, la Mère et la Fille, M. Mundt essayait une satire violente de la société. Des deux personnages principaux de son histoire, l’un, qu’il a doué de facultés éminentes, devient un bandit à la fin du récit ; l’autre, à qui il a donné une sagesse pleine de réserve, n’est plus qu’un espion à la dernière page. La brusquerie dramatique de ce dénouement fait éclater encore avec plus de vigueur cet insolent contraste. Nous savions bien qu’une partie de la société surveille l’autre sans cesse, que la prudence inquiète souvent le génie, que les esprits circonspects règlent et gênent souvent, hélas ! les ames trop audacieuses ; mais dans le livre de M. Mundt il n’y a plus que des espions d’un côté, et, de l’autre, des criminels. Qu’a donc voulu M. Mundt ? Pour qui tient-il ? Qui flatte-t-on ici ? Ce n’est plus seulement, comme on voit, le reproche ordinaire adressé à la société, la révolte douloureuse du génie malheureux contre la médiocrité triomphante ; il n’y a là qu’un noir accès de misanthropie, et, malgré des qualités de style et d’imagination, le livre de M. Mundt n’échappe point à l’emphase du mélodrame. Je l’aime mieux dans un roman sur la guerre des anabaptistes, où son amour de la liberté protestante soutient une fable assez énergiquement inventée. Surtout je l’aime mieux dans ses récits de voyage. Quand il parcourt la France, l’Italie, la Suisse, quand il jette, à l’occasion des villes qu’il traverse et des hommes qu’il rencontre, des réflexions vives, brillantes, hardies, on retrouve sa causerie, sa verve, et l’avidité curieuse de son intelligence. Ses opinions ne sont pas toujours irréprochables, je ne souscrirais pas à tous les jugemens qu’il porte, je ne lui accorderais pas le coup d’œil sûr du publiciste ; mais son ardeur est intéressante, et il y a là ce qui manque tant à M. Gutzkow et à M. Laube, un cœur qui bat, une ame qui cherche. Ce sont là d’ailleurs les derniers efforts de la jeune Allemagne ; tandis que M. Wienbarg, ferme, quoique blessé, se réfugie dans son silence, M. Théodore Mundt court le monde ; afin de découvrir, s’il est possible, dans l’étude des peuples modernes, dans l’entretien des écrivains éminens, les principes auxquels il consacrera son ardeur. S’il ne trouve pas ce qu’il désire, il rapportera du moins cette conversation brillante, ingénieuse, hardie, qui fait lire ses récits de voyages.

Mais quoi ! tant de bruit, tant de promesses, tant d’efforts, pour ce résultat ! Quoi ! une conversation ingénieuse, un dilettantisme politique et social, beaucoup de bel esprit, d’éclat, de fantaisie, le feuilleton enfin, s’il faut dire le mot, le feuilleton parisien assez habilement imité : c’était là tout ce qu’on avait gagné dans cette révolution ! Le