Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 5.djvu/1098

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
1094
REVUE DES DEUX MONDES.

pressentir davantage ce qui sortira de cette guerre chaque jour plus ardente du clergé contre le corps enseignant, et de l’alliance étroitement cimentée entre les partis les plus hostiles à notre établissement politique. Une faute irréparable a donné à l’opinion légitimiste une importance supérieure à celle qu’elle a dans le pays ; cette faute a consacré une association monstrueuse que le cabinet actuel peut désormais moins que tout autre entreprendre de dissoudre. Sa présence aux affaires serait le lien d’une coalition permanente dont les conséquences électorales ne peuvent manquer d’alarmer les bons esprits. Aussi n’est-il pas cinquante députés dans les rangs de la majorité qui croient à la possibilité de confier au ministère le soin de cette épreuve décisive. Si l’on s’en rapportait à des bruits universellement répandus, cette conviction serait aussi manifestée par un autre pouvoir, qui, en témoignant de ses intentions à cet égard, hâte par cela même l’instant où il se trouvera dans le cas de les réaliser.

La chambre comprend tout ce qu’une telle situation offre de provisoire et de précaire. Toutefois, lorsqu’une crise ministérielle lui apparaît comme conséquence immédiate d’un vote, elle recule et refuse d’en accepter la responsabilité. Elle doute de la possibilité de former ce ministère intermédiaire dont l’avénement répondrait en ce moment à de si pressantes nécessités. Démontrer au parlement qu’une telle combinaison serait facile quant aux personnes et quant aux choses, tel doit être le travail de tous les esprits intelligens et modérés. Il dépend de l’homme d’état désigné par la voix publique pour présider à cette salutaire combinaison d’avancer ce travail et de préparer l’avenir, en portant à la seule tribune qui lui soit ouverte quelques paroles qui dans sa bouche auraient un grand retentissement. Qu’il confesse ses inquiétudes, qu’il indique ses dissidences avec la réserve que sa position lui commande, et cette seule manifestation suffirait pour modifier d’une manière notable, au sein de la chambre élective, les dispositions d’une majorité qui lui a voué une estime inaltérable et une confiance que quatre années de retraite n’ont point ébranlée.

Peu satisfaite du pouvoir et non moins mécontente d’elle-même, la chambre se venge par des boutades de ses irrésolutions politiques. Peut-être est-il permis d’en voir une preuve dans la décision qui, pour la seconde fois, a exclu de la représentation nationale l’élu du collége de Louviers. Il est difficile de dire comment se terminera ce conflit entre la souveraineté électorale et la souveraineté parlementaire. Une proposition dont la chambre a autorisé la lecture est destinée à régulariser le nouveau pouvoir qu’elle s’est attribué. On doit faire des vœux pour que les développemens de cette proposition spécifient et délimitent un droit si redoutable dans ses conséquences.

En attendant la discussion des fonds secrets, la chambre achève la loi des patentes, heureusement amendée par sa commission. Le débat en a été généralement satisfaisant, et des vues larges et élevées ont inspiré l’ensemble de la loi. Une pensée rationnelle et politique va désormais présider à l’imposition du travail, et des dispositions incohérentes se trouveront enfin soumises à l’influence d’un même principe. Cette loi libérale et populaire sera