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DU MOUVEMEMENT CATHOLIQUE.

rigoureuse orthodoxie, avaient du moins trouvé l’émotion, et cette foule qui s’agite et se remue à la suite des grands écrivains se lança dans leur voie, espérant atteindre aux mêmes sommets. Comme si le bras de Dieu s’était raccourci, comme si l’église avait tremblé sur sa base immobile, les mondains offrirent en témoignage de leur foi, non pas leur sang, mais leurs volumes. Ce n’est pas, certes, qu’il faille interdire la discussion des problèmes religieux à ceux qui vivent dans le siècle ; on peut, sans être docteur en théologie, traiter du christianisme. La lutte fait la vie, et une société où l’on ne discuterait pas serait une société morte. Mais au moins sommes-nous en droit de demander à ceux qui ont la prétention de nous instruire et de dogmatiser, s’ils ont la science et la vraie foi. Quelques-uns, même parmi les mieux intentionnés, n’auraient-ils pas péché par excès de zèle, et pris par hasard une certaine lassitude de l’indifférence et du doute, une vague aspiration vers la croyance pour la croyance elle-même ? Singulière étourderie ! Quand les docteurs, les pères, les mystiques, descendaient dans l’arène des discussions religieuses, ils s’étaient préparés par l’étude et la science ecclésiastique aux combats contre l’hérésie ; ils s’étaient exilés, avant d’écrire, dans la solitude intérieure de leur ame, et voilà qu’aujourd’hui des hommes qui vivent au milieu des illusions du monde et des bruits de la vie abordent résolument et de pleine confiance, avec une solution toujours prête, des mystères que saint Augustin, saint Bernard et Bossuet n’abordaient qu’avec l’humilité du génie. Ne serait-ce point, pour quelques-uns, une affaire de mode, de parti, de distraction ? Il faut du neuf : on en prend partout, même dans les choses les plus sérieuses et les plus graves.

Il est résulté de là que les idées, les doctrines du parti religieux, du parti exagéré qui intrigue et s’agite, sont tombées dans une confusion singulière et dans les contradictions les plus étranges, ce qui s’explique encore par la diversité des élémens même qui ont formé ce parti.

Le vent du prosélytisme, en effet, a soufflé de tous les points du ciel. L’église néo-catholique a recruté ses confesseurs dans le spleen du byronisme, dans le romantisme, dans tous les partis politiques, dans tous les engouemens littéraires. La polémique religieuse s’est imprégnée de toutes les passions du moment, et il y a dans chaque paroisse, autour de l’église orthodoxe, vingt succursales schismatiques qui ont recueilli à titre de collatéraux les messie sans culte de l’olympe de Ménilmontant, les souscripteurs dispersés de l’église française, les extatiques enfans de la nouvelle Jérusalem. C’est une mêlée générale où chacun vient prêcher non pas le règne de Dieu, mais le règne de son idée, de son orgueil. Les hommes sages se sont émus, effrayés même de cette intervention indiscrète des mondains dans les choses de la foi, et des exagérations compromettantes de quelques écrivains qui sont pourtant d’église. M. l’archevêque de Paris, qui combattait et écrivait sous la restauration en faveur du gallicanisme, a protesté, dans l’Instruction pastorale sur la composition, l’examen et la publication des livres en faveur des-