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DU MOUVEMEMENT CATHOLIQUE.

valeur de leurs travaux ? M. Orsini, l’historien romantique de la Vierge, s’est borné à faire illustrer la Bible de vignettes pour les gens du monde, et, afin de rendre le format plus portatif, il a supprimé les Petits Prophètes et l’Apocalypse. M. l’abbé Clément, dans sa Philosophie sociale de la Bible, a mis la science ecclésiastique, et une science souvent étendue, il faut le reconnaître, au service des théories communistes ; plus d’une page de son livre pourrait figurer dans le journal de l’association communautaire icarienne. Quant à M. de Genoude, qu’un grand poète a comparé à une poutre de cèdre du Liban taillée pour le saint lieu, sa Sainte Bible est, après la Gazette de France, son œuvre capitale. C’est aux sympathies de M. de Genoude pour Voltaire que nous devons la traduction de la Bible ; lui-même a pris soin de nous l’apprendre dans l’Histoire d’une ame, singulière confession que nous rencontrerons plus loin, au paragraphe des romans : « Je m’engageai, dit-il, pour réparer le mal que j’avais pu faire en partageant les dédains de Voltaire, en les communiquant à mes camarades de collége, à traduire les livres saints, et à consacrer à ce travail tout le sentiment poétique qui était en moi ! » Il n’est guère plus étonnant de voir M. de Genoude voltairien avant d’être prêtre que de le voir radical en même temps que légitimiste ; mais M. de Genoude poète ! quelle révélation inattendue ! et qui s’en serait jamais douté par ses livres ? Que de mystères et de contrastes dans un même homme ! M. de Genoude traduit, dit-il, les livres saints pour s’acquitter envers Dieu : je crains bien, en vérité, qu’il ne soit resté son débiteur, sa traduction n’est qu’un pastiche enjolivé, et les commentaires qui l’accompagnent ne sont de nature ni à instruire ni à édifier. Ces commentaires, qui n’apprennent rien, et qui n’ont pas même le mérite d’être correctement écrits, accusent une précipitation de travail impardonnable dans un sujet aussi grave, et l’introduction n’est qu’un prospectus à la gloire du traducteur. Cette introduction est signée, il est vrai, des éditeurs de M. de Genoude, mais la responsabilité ne lui en revient pas moins tout entière, et l’on se demande avec surprise comment, dans la préface d’un livre composé uniquement pour la gloire de Dieu, il a laissé dire qu’avant lui, M. de Genoude, on n’avait donné de la Bible que des parodies et des caricatures. Ces critiques amères contre tous les travaux antérieurs ne sont pas moins contraires aux convenances qu’à la charité chrétienne ; elles sont contraires à l’autorité des censures ecclésiastiques, car ces caricatures de la Bible ont été officiellement approuvées dans leur temps par des hommes dont l’église s’honore. Comment M. de Genoude, en confiant ainsi les choses saintes à des mains profanes, a-t-il oublié, si mal à propos, que Jésus ne souffrait pas les vendeurs dans le temple ?

Des théologiens improvisés, étrangers à l’église, sont venus aussi offrir aux livres saints le tribut de leurs commentaires, et l’on peut lire de curieux spécimens de cette exégèse de fantaisie dans l’Unité, de M. D’Etchégoyen, véritable traité de géométrie occulte et de philologie cabalistique, qui nous ramène à Corneille Agrippa ; dans la Résurrection, de M. Stoffels, apocalypse humanitaire du néo-catholicisme, où viennent se confondre toutes les