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CRITIQUE HISTORIQUE.

hommes et sur les choses, a étudié la fronde, abstraction faite du côté poétique, et il a été saisi d’un profond mépris pour les petitesses de l’exorde, les légèretés de l’action, et la stérilité du dénouement. Aussi a-t-il réagi avec vigueur et rabaissé devant la postérité les prétentions demeurées infécondes des corps judiciaires. La magistrature a perdu, sous le sans-gêne de son pinceau irrespectueux et moqueur, les proportions grandioses qu’elle tenait de l’habitude et de la tradition. L’historien s’est jeté, tête baissée, au milieu de tous ces intérêts mesquins décorés de titres pompeux ; il a mis à nu les futilités de l’origine cachées sous l’aspect séduisant de certains évènemens et sous la bonne mine des individus, la pauvreté du fond revêtue du mensonge d’un arrangement ingénieux, les passions mauvaises, les coupables enfantillages, l’égoïsme impudent, l’orgueil des mobiles divers, et il a reconnu sous cette attrayante surface de puérilités et de bons mots des tendances fâcheuses et de tristes résultats. Telle a été son ardeur, ou plutôt l’énergie de sa conviction dans cette œuvre de réaction presque systématique, sinon passionnée, qu’il a plus d’une fois outrepassé le but.

On sait comment naquit la fronde, comment elle vécut, comment elle s’éteignit enfin par lassitude et par ennui. Au début de la régence, c’est l’âge d’or, ainsi nommé par les poètes courtisans. Richelieu est mort et son royal esclave l’a suivi dans la tombe. Les bannis reviennent en foule ; la cour a retrouvé cette joie franche qu’un roi sombre et taciturne, un ministre ombrageux et redoutable, avaient si long-temps proscrite ; un des heureux du moment s’écrie que toute l’histoire de ces jours de bonheur peut se résumer en cinq mots : la reine est si bonne ! Bientôt cependant de nouveaux mécontentemens vont surgir, les victimes du dernier règne s’étonnent de retrouver au conseil les créatures du cardinal défunt, de voir persister, avec quelques adoucissemens dans la forme, son gouvernement intérieur, et survivre sa pensée ministérielle. Le parti des importans a fait son apparition, et il se donne pour chef un petit-fis de Henri IV, empressé d’obéir à la coutume qui veut que toute régence soit semée de dissensions et de luttes intestines. Mazarin, menacé par quatre ou cinq mélancoliques, prend l’initiative de la rigueur, et fait enfermer le duc de Beaufort à Vincennes. Le prologue est joué ; la bourgeoisie, ruinée par le fisc, se prépare à entrer en scène, et le parlement, si faible sous les rois forts, si fort sous les rois faibles, se pose vis-à-vis d’elle en tuteur officieux et désintéressé. De là les réunions de la chambre de Saint-Louis, où l’on agite la question prématurée et incomprise de la réformation de l’état. La régente, indignée de l’audace des parlementaires, s’en prend à un vieux conseiller du nom de Broussel, brave homme au fond, mais imbu au plus haut degré de l’esprit de corps ; le peuple s’émeut et sillonne les rues de barricades ; le coadjuteur de Retz, entraîné par l’amour du nouveau, s’est séparé avec éclat de la cour ; puis on se hâte de transiger, et ce premier acte de la fronde se termine par la fameuse déclaration de 1648. Au second, le mouvement change de caractère ; jusqu’alors la querelle de la régence et du parlement avait eu un caractère net et tranché, elle n’avait