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LE PARTI LÉGITIMISTE ET LE JACOBITISME.

ils ont enfin compris que la force et la vie, que le présent et l’avenir étaient dans les classes moyennes ou dans la démocratie populaire. Trompés par les secousses au milieu desquelles l’établissement actuel s’est fondé, ils crurent d’abord qu’une victoire prochaine était assurée à la démocratie extrême, et ils n’hésitèrent pas à aller prendre position chez elle. De là, monsieur, cette grossière parodie des allures et du langage démocratiques qu’essayèrent les légitimistes avec un cynisme si scandaleux, et qui paraissait si étrange à ceux qui derrière les hommes des ordonnances avaient perdu de vue les roués du ministère Villèle.

Le dégoût public, et plus encore, je n’en doute pas, l’affermissement décisif du gouvernement des classes moyennes, avertirent enfin les hommes les plus considérables du parti qu’ils étaient fourvoyés dans une route où aucune chance de succès ne rachetait l’honneur compromis. De là, la seconde et remarquable attitude que certains légitimistes ont cherché à donner dans les derniers temps à leur parti. Voilà pourquoi M. Berryer, qui réclamait en 1831 le suffrage universel, se déclarait-il, il y a un an, satisfait de la part de droits qui lui est assurée dans l’ordre de choses actuel ; voilà pourquoi la malheureuse Gazette a été ignominieusement désavouée non-seulement par des hommes du comité, par M. de Valmy, par M. de Noailles, par M. de Pastoret, mais au nom même du prétendant. De ce côté donc, on cherche à ménager le pays légal, les classes moyennes : on voudrait leur persuader que les légitimistes sont des hommes d’ordre, de conservation, et qu’eux seuls possèdent les vraies garanties de la stabilité des gouvernemens et les traditions de l’honneur. Voilà donc où en sont réduits les hommes qui composent le parti légitimiste. Ayant conscience de leur radicale impuissance, voyant que par eux-mêmes, s’ils comptent encore quelques hommes, ils ne réussissent pas à former un intérêt vivace, de la force seulement de l’intérêt vinicole, ou de l’intérêt sucrier, eux, la noblesse qui va à Londres, en France, ils épuisent leur dernière chance à surprendre la crédulité des classes populaires ou des classes moyennes. Leur seule ressource est l’imprévu : leur seule espérance, le besoin que pourront avoir d’eux ceux qui les ont détruits pour toujours : ils sont descendus à ce point d’humilité, qu’ils se présentent comme un en cas. Certes, monsieur, il faudrait que ce parti nous eût donné d’aussi justes motifs de ressentiment qu’à M. de Châteaubriand, pour que nous pussions appliquer à sa tactique actuelle le stigmate que l’illustre écrivain a imprimé à ses derniers actes sous la restauration, en les appelant « la conspiration de la bêtise