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LES FEMMES ILLUSTRES DU xviie SIÈCLE.

égaré qui égare un autre génie, cette ame si tendre qu’elle séduisit et entraîna l’ame tendre de Fénelon, alluma au feu de l’amour divin la plus ténébreuse querelle, mit aux prises l’aigle de Meaux et le cygne de Cambrai, et jusque dans ses plus grandes erreurs se fit tout pardonner à force d’humilité, de sincérité, de dévouement[1].

Mais insensiblement le grand siècle s’écoule. Sa forte sève épuisée ne renouvelle plus les grandes générations. L’élégance a remplacé la force, et le goût le génie. La dernière figure de notre galerie, froide et composée, mais belle encore, serait celle de Mme de Maintenon. Nous tâcherons de la peindre fidèlement, sans ressentir aucune sympathie pour celle qui jamais ne consulta ni le devoir ni son cœur, mais l’opinion, ne poursuivit qu’un seul et bien misérable objet, la considération, feignant de prendre le plaisir d’un roi pour la volonté de Dieu, sans vertu à la fois et sans amour, victime volontaire, et par conséquent peu intéressante, de ce tyran vulgaire qu’on appelle les convenances du monde. Oh ! que nous sommes loin de Mlle Angélique Arnauld ! Que le siècle finit autrement qu’il a commencé ! Ici l’édit de Nantes, là sa révocation ; d’abord Port-Royal et l’Oratoire, maintenant le règne des jésuites et bientôt la régence ; au lieu de Sully, de Richelieu, de Mazarin, un conseil de commis sans patriotisme et sans ambition, n’ayant d’autre dessein que de ne pas déplaire au maître et de garder leurs portefeuilles. Le XVIIe siècle a fait son temps ; un autre monde est près d’éclore ; un nouvel esprit, de nouvelles mœurs, d’autres hommes, d’autres femmes, vont paraître. Voltaire va succéder à Descartes, et le cardinal de Fleury au cardinal de Richelieu. Voici venir les Parabère et les Pompadour, en attendant les Du Barry ; comme femmes auteurs ou présidentes de coteries littéraires, les Dudeffant, les Graffigny, les Geoffrin, les Duchâtelet, c’est-à-dire, si vous exceptez la noble Mlle Aïssé et cette pauvre insensée Mlle Lespinasse, pas une femme véritable, un peu de savoir en mathématiques et en physique, quelque bel esprit, aucun génie, nulle ame, nulle conviction, nul grand dessein ni sur soi-même ni sur les autres : telles sont les femmes du XVIIIe siècle. Ce n’est pas moi qui me propose de leur servir d’historien.


V. Cousin.

    La Fayette et madame de Longueville. — Voir la Revue du 1er juillet 1836, du 15 janvier 1840, du 1er septembre 1836, et du 1er août 1840.

  1. Mme Guyon.