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DU MOUVEMENT CATHOLIQUE.

ginalité, et rien n’est moins original que les poésies de M. Reboul. D’harmonieuses réminiscences ne remplacent pas l’inspiration absente, et le plus habile imitateur n’a aucune place à réclamer parmi les poètes.

Si le midi semble la patrie de l’épopée néo-catholique, la Bretagne est la terre bénie de l’élégie religieuse. Là du moins plus de ces prétentions excessives qu’explique sans les excuser la fougue du caractère méridional. La muse bretonne se renferme dans un cercle d’inspirations dont la naïveté n’est pas sans grace. Deux écrivains auxquels on ne peut refuser d’honnêtes et sérieuses tendances représentent, sous des aspects bien tranchés, la poésie néo-catholique de la Bretagne. M. Turquety est le poète citadin, M. Morvonnais le barde rustique. On sent que les vers du premier sont nés dans la bruyante atmosphère de la ville, et que le second murmure ses chants sur la grève solitaire. D’une part, c’est l’élégance du monde ; de l’autre, c’est presque le mysticisme du cloître. — M. Turquety s’est fait connaître, en 1829, par des Esquisses poétiques, réimprimées depuis sous le titre symbolique de Primavera. Les Esquisses furent accueillies, avec une bienveillance que justifiaient d’aimables qualités de sentiment et d’harmonie. Amour et Foi, tel est le titre du second recueil de M. Turquety, publié en 1835. De 1829 à 1835, un grand changement s’était accompli dans la pensée, et malheureusement aussi dans le talent du poète. M. Turquety avait renoncé à l’élégie amoureuse pour se consacrer à la muse chrétienne. Créer une poésie strictement croyante, rigoureusement orthodoxe, tel était l’idéal qu’il s’efforçait d’atteindre dans Amour et foi, et qu’il poursuivit encore, l’année suivante, dans un volume intitulé Poésie catholique. Malgré la sympathie que méritent les tentatives consciencieuses, il nous est impossible d’applaudir aux efforts de M. Turquety. Ses strophes contre Luther et Judas, ses hymnes au pape, nous feront toujours regretter les modestes inspirations des Esquisses. C’est à tort que M. Turquety se croit appelé à la mission du poète sacré : il lui manque, pour la remplir, cette forte haleine, ce mélange harmonieux d’enthousiasme et de profondeur qui n’est donné qu’à de rares élus. Si M. Turquety a la sensibilité qui convient à l’élégie, il n’a point l’élan qui sied à l’ode, bien moins encore le souffle ardent qu’il faut à l’hymne. C’est en vain qu’il essaie dans ses pieux cantiques de dissimuler l’absence de l’inspiration sous l’harmonieuse limpidité de la parole : s’il fallait résumer notre opinion, nous dirions que M. Turquety est d’autant moins poète qu’il se fait plus catholique. Au lieu d’édifier le public (car c’est là son but), qu’il se contente de l’émouvoir ; qu’il écrive par inspiration, et non par système, et il retrouvera sans aucun doute cette veine aimable et facile qui l’a heureusement servi dans Primavera.

Ce n’est pas en méditant le dogme, c’est en contemplant la nature que M. Morvonnais cherche à s’élever au sentiment de la poésie chrétienne. Son recueil intitulé la Thébaïde des Grèves est une suite d’élégies et de tableaux domestiques où l’influence de Wordsworth se fait plus d’un fois sentir. La rêverie s’y mêle à la prière, telle page commencée en cantique s’achève en idylle. Il y a dans ce livre du lakiste et du visionnaire. Malheureusement la