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L’ÎLE DE BOURBON.

de détresse poussé par-delà les mers par les colons épouvantés d’une concurrence qui coïncide si malheureusement avec les dépenses énormes dans lesquelles ils viennent de s’engager en établissant des moulins à vapeur.

On peut considérer le canton de Saint-Leu comme le plus chaud de toute l’île ; quand le soleil darde en plein sur la mer calmée, le thermomètre, qui ne monte pas à Saint-Denis au-delà de 26 degrés, doit, sur cette côte brûlante, s’élever à 30 au moins. On se croirait alors à ces derniers jours de l’été à Calcutta, où les cigognes s’en vont d’un vol hardi chercher quelque fraîcheur dans les régions supérieures de l’atmosphère, se balançant à des hauteurs prodigieuses sous un ciel bleu comme celui de l’Égypte. Aussi je plains le voyageur qui, comme moi, sera réduit à gravir à pied, sur une route pavée de larges pierres glissantes, des collines arides, déboisées, suspendues au-dessus de la Grande-Ravine. C’est par un sentier en zig-zag, heureusement ombragé de mimosas à la partie culminante, qu’on arrive avec d’horribles fatigues à la ravine des Trois-Bassins. Mais aussi quelle nature ! quels paysages variés, quels horizons splendides renouvelés incessamment Il faut bien que le soleil soit à l’unisson des grandes scènes qu’il éclaire. En rentrant au milieu des plantations de cannes, largement coupées d’avenues immenses dans lesquelles s’épanouit la rose de Bengale en longues allées, on retrouve par instans la mer scintillante comme un miroir d’argent ; des navires descendent péniblement la côte en louvoyant ; la brise les abandonne, et ils restent immobiles avec leurs grandes voiles aplaties sur les mâts, tandis que le goéland et le paille-en-queue effleurent les flots de leurs ailes. À la pureté de l’atmosphère, on prend confiance dans ce climat tropical, qui a le bien rare privilége d’être à la fois magnifique et salubre. Aucune maladie

    presque tout le riz dont elle a besoin pour nourrir ses noirs. L’île Bourbon cueille elle-même environ 800,000 kil. de riz, dont la récolte a lieu deux fois par an (de février en mai, d’octobre en novembre) ; mais elle en reçoit de Madagascar à peu près 2 millions et des Indes 12 millions de kilogrammes. On voit combien il s’en faut qu’elle se suffise a elle-même sous ce rapport. La quantité de blé que produit la colonie est aussi fort au-dessous de ses besoins, bien que, sur une population de cent mille ames, quinze mille personnes au plus mangent du pain ; la douane permet l’introduction des grains du Bengale et des farines américaines. Le cacaoyer a cessé d’être cultivé d’une manière spéciale ; mêlé çà et là aux girofliers, aux caféiers, il donne à peine 10,000 kilogrammes. Enfin le coton, qui, par son prix trop élevé (1 fr. 40 cent. le kil.), ne peut soutenir la concurrence avec celui des États-Unis, de l’Inde, de l’Égypte, à cause de la cherté des transports surtout, a disparu peu à près complètement.