Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 5.djvu/491

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
487
DU MOUVEMEMENT CATHOLIQUE.

par tradition de famille, le légitimisme est impuissant à se recruter dans les générations nouvelles, et dans la presse il cherche en vain à former des publicistes. La lutte, depuis longues années, est soutenue par les mêmes hommes, MM. de Genoude, de Beauregard, Lourdoueix, Laurentie. L’ultra-montanisme est-il plus heureux ? Quels publicistes a-t-il ralliés ? MM. de Montalembert et Veuillot. En résumé, cette phalange est-elle assez compacte, assez forte, pour imposer au pays soit le légitimisme radical de la Gazette, soit le monarchisme rétrospectif de la Quotidienne, ou l’ultramontanisme de l’Univers ? Au fur et à mesure qu’elle se lance plus vivement à l’attaque, qu’elle subordonne de plus en plus la religion aux intérêts des partis, la presse catholique s’affaiblit, car les esprits sages qui se sont ralliés au mouvement religieux la désavouent et s’en éloignent. La disette de publicistes est, après la difficulté de s’entendre, le plus grand embarras du parti. Il faut croire du reste qu’on est en général, dans le cénacle militant, peu satisfait du journalisme religieux tel qu’il est aujourd’hui constitué, car on s’agite de plus en plus pour fonder de nouveaux journaux ; des membres du clergé en assez grand nombre seraient disposés, dit-on, à se jeter plus vivement dans la presse, bien résolus, comme le disait récemment un abbé qui donne des articles aux feuilles bien pensantes, à porter dans la polémique la force du lion et la prudence du serpent.

VIII. — conclusion.

Était-ce exagération de dire au début de ce travail qu’il fallait faire deux parts dans le mouvement religieux de notre temps, et distinguer d’un côté le catholicisme sérieux et sincère, qui se renferme dans le temple, dans la famille, dans la conscience, le catholicisme de l’aumône, de l’espérance, de la prière, — et de l’autre un catholicisme mondain, politique et littéraire, qui substitue les écarts de l’imagination à l’idée pratique, les colères de la polémique aux enseignemens de la charité ou de la morale, le rêve à la doctrine ? Nous avons cherché de bonne foi, à travers tous les ordres d’idées, les forces militantes du parti religieux, du parti qui intrigue et s’agite, qui dogmatise et qui veut régner. Nous sommes partis de la Bible, des mystères inaccessibles, pour arriver aux questions pratiques, aux intérêts qui se débattent autour de nous. Quels sont les résultats ? où sont les œuvres durables ?

Dans la science ecclésiastique, l’érudition, la critique sacrée, ont-elles été maintenues à la hauteur de leur passé ? se sont-elle élevées même jusqu’au niveau de la critique protestante ? Que sont devenues les traditions qui ont donné à l’église gallicane les Calmet, les Sacy, les Thomassin, les Fleury, les Mabillon ? Les apologistes modernes ont-ils égalé, je ne dirai pas Bossuet ou Pascal, ce serait trop demander sans doute, mais dans une sphère plus