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DE LA QUESTION COMMERCIALE EN ANGLETERRE.

les tarifs hostiles opposés aux produits anglais sur les marchés extérieurs. Il n’est pas difficile de comprendre comment ces causes opèrent et les résultats qu’elles amènent. Les effets des progrès de la concurrence étrangère sur l’industrie anglaise ont été indiqués récemment dans cette Revue, d’après une autorité souveraine en ces matières, celle de M. Huskisson[1]. Permettez-moi, monsieur, de les résumer ici.

Le revenu total de l’industrie se divise en deux parties. L’une de ces parties revient au capital qui procure les élémens sur lesquels ou au moyen desquels la reproduction industrielle s’opère : les économistes l’appellent profit ; l’autre est donnée aux mains qui ont concouru à la reproduction industrielle par le travail : c’est le salaire. Pour que l’industrie soit prospère, il faut que le fonds que le capital et le travail se partagent soit assez considérable pour que le capital puisse y trouver un profit suffisant, et le travail un salaire suffisant. Or, l’étendue de ce fonds est réglée, dominée par deux choses, par la concurrence étrangère et par la proportion qui existe entre la quantité de marchandises fabriquées dans le pays qui sont expédiées aux marchés étrangers, et le montant des équivalens que les consommateurs étrangers peuvent ou veulent envoyer en échange. Tout ce que peut faire la liberté du commerce, pour accroître le fonds où se puisent les profits et les salaires, c’est de laisser opérer ces causes régulatrices dans leur force spontanée et naturelle. La liberté du commerce, c’est la concurrence dégagée de toute entrave ; plus grande est la liberté du commerce, et plus sûrement, plus complètement la concurrence, soit étrangère, soit domestique, de ceux qui fournissent les marchés étrangers, détermine la somme du revenu que les classes adonnées à l’industrie ont à se partager.

Des marchandises de même nature et de même qualité se vendent sur les mêmes marchés aux mêmes prix. C’est entre ce niveau et la somme des frais matériels de la production que se trouve le fonds que les profits et les salaires se partagent. Le résultat d’une concurrence active et heureuse est de diminuer ce fonds dans les pays le moins favorisés. Or, depuis que la paix a permis à des concurrences redoutables de lutter sérieusement soit par leurs forces naturelles, soit à l’aide de protections artificielles, avec l’industrie britannique, celle-ci a vu le fonds où elle puise ses profits et ses salaires se réduire dans la mesure même des progrès accomplis par ces concurrences. « À chaque

  1. Livraison du 15 août 1843. Politique commerciale de l’Angleterre.