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la puissance rivale qui lui fournit la matière première du plus important de ses produits, — les conditions des échanges de l’Angleterre avec les pays d’où elle a tiré jusqu’à ce jour ces élémens de la reproduction seraient changées. L’Angleterre demanderait à la Russie, aux États-Unis, par exemple, une moins grande quantité de leurs produits ; la valeur de ces produits, par rapport aux marchandises anglaises, diminuerait ; le capital et la main-d’œuvre britanniques trouvant un nouvel emploi dans le développement de la colonisation, et d’autres débouchés pour leurs produits manufacturés dans les besoins des nouveaux colons, l’abondance des produits fabriqués anglais diminuerait sur les marchés de la Russie et des États-Unis, et leur valeur y augmenterait. Si le développement colonial prenait même une extension assez considérable pour que le capital et la main-d’œuvre y trouvassent un emploi suffisant, le manufacturier n’exporterait plus ses marchandises qu’à des prix suffisamment élevés pour couvrir le montant des droits d’importation imposés par les états étrangers. Si ce résultat était atteint, si l’Angleterre bornait son commerce d’exportation aux marchandises pour lesquelles son habileté supérieure et des avantages naturels lui confèrent une espèce de monopole, les droits d’importation imposés par les pays étrangers ne tomberaient plus, comme aujourd’hui, sur le producteur anglais, mais sur le consommateur étranger. L’effet des tarifs hostiles dans la diminution du fonds d’où l’industrie anglaise tire les profits de son capital et les salaires de sa main-d’œuvre serait complètement neutralisé.

La prévision de pareilles éventualités est un rêve doré dans lequel il n’est pas malaisé de comprendre qu’une imagination anglaise doive se complaire avec délices. Ce rêve peut-il se réaliser ? Y a-t-il des moyens pratiques de donner au développement de la colonisation une impulsion immédiate et puissante ? Je ne suis point étonné que M. Gladstone, en se posant cette question, rappelle la question des questions, et la signale comme la plus importante qui, dans la situation économique du royaume-uni, puisse être soumise aux méditations des hommes d’état éclairés et patriotes. M. Gladstone la résout affirmativement ; la solution qu’il indique mérite d’attirer l’attention ailleurs qu’en Angleterre.

Le courant actuel de l’émigration déverse déjà annuellement un nombre assez considérable d’hommes sur les territoires immenses que l’Angleterre possède dans toutes les parties du globe ; mais ce nombre est encore bien insuffisant pour l’exploitation des colonies anglaises et pour le soulagement de l’industrie métropolitaine. L’émi-