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DE LA QUESTION COMMERCIALE EN ANGLETERRE.

gration annuelle est d’environ cent mille ames, tandis que la population s’accroît de trois cent mille ames dans la même période ; c’est que le flot de l’émigration spontanée, abandonnée à elle-même, est entravé par des obstacles qu’il s’agit précisément de faire disparaître. Ces difficultés sont au nombre de deux : les frais et les inconvéniens d’un long voyage maritime, les pertes et les privations qu’il faut subir en formant des établissemens au milieu de terres désertes et couvertes de forêts, privées de routes et éloignées des marchés. M. Gladstone croit qu’on peut venir à bout de l’une et de l’autre.

Il est évident que le gouvernement seul, qui a un intérêt si grand à développer la colonisation, a aussi des moyens d’action suffisans pour vaincre ou aplanir ces difficultés. Il faut qu’il tienne les possessions qu’il veut coloniser prêtes pour une exploitation immédiate, il faut qu’il fasse arpenter avec soin ces terres fertiles couvertes de forêts ou encore en friche qui peuvent fournir un travail prospère à des millions d’hommes, il faut qu’il les fasse couper de routes aboutissant aux marchés, qu’il les divise en lots, qu’il y fasse percer des éclaircies pour l’emplacement des bâtimens à construire, qu’il fasse élever des églises et des hôtelleries et quelques édifices publics dans les sites que devront occuper les villes ou les villages futurs. Les colonies, ainsi préparées à une exploitation immédiate, dégagées des obstacles qui découragent l’émigration livrée à ses seules forces, attireront sans doute les capitaux et les travailleurs. L’obstacle des frais et des inconvéniens d’un long voyage maritime peut être levé en partie par le gouvernement, s’il fait de ses navires de guerre, aujourd’hui oisifs dans les ports ou inutilement occupés, un vaste pont flottant d’une rive à l’autre de l’Océan ; s’il donne aux capitalistes qui feraient des achats de terre dans ses colonies le passage gratuit sur ses vaisseaux ; si aux émigrans des classes ouvrières il assure, outre le passage gratuit, de l’emploi dans les travaux publics nécessaires à la préparation de l’exploitation coloniale, pendant une période fixée, au terme de laquelle le libre passage leur serait encore offert pour retourner dans la mère-patrie.

M. Gladstone considère, avec raison suivant nous, comme si importante pour l’Angleterre la circulation des capitaux et de la main d’œuvre que créerait l’extension des colonies, que, dût le gouvernement s’imposer de coûteuses avances pour la provoquer, il regarderait ces sacrifices comme amplement compensés par la grandeur des résultats. Mais l’initiative des mesures qu’il propose ne coûterait aucun sacrifice au gouvernement. M. Gladstone affirme et prouve que l’état