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par une compagnie de marchands européens, il faut recueillir avec soin les données éparses dans les récits des voyageurs ; dans les relations des évêques protestans et des missionnaires catholiques, et même dans les pages moins sérieuses que les touristes sèment derrière eux. Il n’a point encore été publié sur l’Inde, que nous sachions, d’ouvrage complet, écrit en dehors de l’influence de tout préjugé hostile, de toute partialité ; mais chacun peut le faire pour soi, les matériaux ne manquent pas. Prêtre, voué durant de longues années aux travaux apostoliques, l’abbé Dubois, après avoir étudié la religion qu’il doit combattre à l’égal de celle qu’il cherchait à faire triompher, nous conduit de l’autel païen où trône le brahmane à la hutte infecte du paria. Sceptique et railleur, ne prenant au sérieux aucune des trois croyances qui se partagent l’Inde, Jacquemont traverse la contrée au galop, à la façon d’un officier anglais, et esquisse à grands traits, de main de maître, les scènes qui se succèdent sous ses yeux. L’évêque anglican Hebert, voyageur de haut rang, s’occupe, dans son charmant voyage, des monumens et de la société des villes, mais n’attache guère ses regards sur le peuple qu’il coudoie avec son palanquin. Plus gracieuse, éprise d’une nature qui se reflète dans ses pages poétiques, miss Emma Roberts, morte si jeune à Sattarah il y a quatre ans, peint avec une certaine sympathie cette population asiatique qui s’étonnait de la voir s’aventurer au milieu d’elle, et la conviait volontiers à ses fêtes. À ces noms que nous citons ici pour exemple, combien d’autres célèbres à juste titre viennent s’ajouter encore ! Il existe sur chaque province des documens précieux ; chaque cour indépendante ou tributaire est représentée dans cette masse de mémoires pour servir à une histoire générale de l’Inde moderne.

Mais au point où en sont les choses aujourd’hui, lorsque la compagnie, encouragée par la faiblesse des royaumes environnans et par les dissensions, souvent fomentées à dessein, qui appellent ou préparent son intervention sur tant de points à la fois, franchit témérairement peut-être les limites que les hommes prudens et éclairés assignaient à sa domination, l’Europe s’émeut au bruit de ces petits trônes qui croulent l’un après l’autre. Il lui importe de connaître les causes d’une puissance dont les effets l’étonnent ; ce n’est plus le passé, c’est à peine le présent qu’elle veut qu’on lui montre, mais les destinées futures de l’Inde anglaise. Dans ces circonstances nouvelles, l’ouvrage dont nous essayons de rendre compte, l’Inde anglaise en 1843[1],

  1. Pour paraître prochainement en deux volumes in-8o, quai Malaquais, 15, au