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ment consacrées à elle seule, en d’autres termes, à mesure que le travail se divise, le produit final devient de plus en plus parfait.

Eh bien ! il en est de même chez les animaux. Pour assurer la nutrition et la reproduction, c’est-à-dire la conservation de l’individu et celle de l’espèce, bien des fonctions secondaires sont nécessairement mises en jeu. Pour que leur accomplissement soit à la fois facile et entier, il faut que chacune d’elles dispose d’un organe ou instrument physiologique spécial. En d’autres termes, il faut que le travail fonctionnel soit divisé autant que possible. Tel est le caractère général des types les plus élevés, par exemple de la plupart des mammifères. Au contraire, dans les types inférieurs, deux ou plusieurs fonctions sont attribuées au même organe, et enfin, dans les éponges, les amybes, ces derniers représentans du règne animal, toutes les fonctions sont confondues dans une masse organisée, vivante, mais où l’on ne distingue plus qu’une pulpe homogène résultant de la fusion complète de tous les élémens organiques.

Il suit de là qu’un animal, qu’un organisme se dégrade toutes les fois que la division du travail fonctionnel tend à diminuer. Ce second principe, qui n’est pour ainsi dire que la réciproque du premier, n’a pas moins d’importance dans les études zoologiques. En effet, il fait comprendre comment à un type quelconque peuvent se rattacher d’autres types de plus en plus dégradés ; il donne une signification précise à cette épithète d’inférieur, trop souvent appliquée d’une manière vague. Les mammifères, par exemple, sont sans contredit plus parfaits que les poissons. Ces deux types se dégradent en outre chacun de son côté : il existe des mammifères et des poissons supérieurs, des mammifères et des poissons inférieurs, et ce que nous disons de ces deux classes s’applique à toutes les grandes divisions du règne animal.

C’est pour avoir méconnu les principes que nous venons d’exposer en peu de mots que la plupart des plus illustres maîtres sont tombés dans de graves erreurs. On trouve, il est vrai, dans les écrits de plusieurs d’entre eux quelques expressions qui semblent annoncer qu’ils étaient arrivés à en avoir une notion confuse ; toutefois personne ne les avait nettement formulés et n’en avait fait l’application avant M. Milne Edwards, qui, dans ses cours, dans ses ouvrages, et notamment dans l’introduction de sa grande histoire des crustacés, s’est exprimé à ce sujet de la manière la plus explicite. Si de mon côté je suis arrivé à des résultats analogues, c’est bien certainement parce que j’ai suivi l’exemple donné il y a près de vingt ans par ce naturaliste,