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tère qu’elle est devenue le sujet d’abord d’une discussion sérieuse, puis d’un amendement qui, présenté et combattu comme impliquant le refus de concours, n’a pourtant été rejeté qu’à 20 ou 25 voix de majorité. Une fois cette question soulevée, il est d’ailleurs facile de comprendre que l’opinion publique ne l’ait pas restreinte à un seul fait. On s’est demandé si ce qui apparaissait avec clarté dans l’affaire de la dotation n’était pas vrai partout et toujours. Puis on s’est demandé si des ministres dont toute la politique consiste à suivre docilement l’impulsion qui leur est donnée tantôt par un pouvoir, tantôt par l’autre, sont bien propres à diriger au dehors et au dedans les affaires de la France. Assurément il serait insensé de dire qu’un ministère où siègent des homme comme M. Guizot, M. Villemain, M. Dumon, n’est pas capable de couvrir la royauté ; mais il y a deux manières de découvrir la royauté, sans le vouloir ou volontairement, par impuissance ou par calcul. Or, de ces deux manières, la seconde est la plus condamnable, puisqu’elle suppose le pouvoir de bien faire sans la volonté.

La question intérieure, dans ce qu’elle a de plus délicat et de plus fâcheux, avait été ainsi réveillée par la dotation. La question extérieure le fut par le discours de la couronne, dans ce qu’elle a de plus irritable et de plus grave. La politique extérieure du ministère actuel est suffisamment connue, et on ne peut pas dire qu’elle ait été plus mauvaise en 1843 qu’en 1842 ou 1841. Il faut même reconnaître qu’au moment où la session s’est ouverte, les apparences lui étaient assez favorables. Ainsi, en Espagne, la chute d’Espartero pouvait faire espérer que la France reprendrait quelque influence et lutterait à armes moins inégales contre les projets de l’Angleterre. En Grèce, grace à la résolution spontanée et intelligente de M. Piscatory, la France se trouvait associée au grand mouvement national qui venait de faire entrer ce noble pays dans la famille des états constitutionnels. Sur les autres points du globe, tout paraissait à peu près tranquille, et la visite de la reine d’Angleterre, sans avoir toute l’importance que le ministère semblait y attacher, tendait pourtant à effacer de déplorables souvenirs. Si donc, dans le discours de la couronne, le ministère eût parlé de tout cela simplement, froidement, sans en tirer aucune conséquence exagérée, il est probable que l’opposition eût gardé le silence, ou se fût contentée de faire ses réserves pour l’avenir. Malheureusement le ministère, si modeste dans ses actes, n’aime pas à l’être dans son langage. Bien qu’il sût mieux que personne quelle part il avait prise aux évènemens d’Espagne et de Grèce, il ne put résister au vain désir