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ment actuel de la barre un bon port, d’un accès facile et du côté de la terre et du côté de la mer.

Je ne crois pas inutile de dire ici que peut-être y aurait-il plus d’avantage à diriger le canal par le Rio Farfan, affluent du Rio Grande, que par le Rio Grande lui-même. Pareillement il y aurait lieu d’étudier si, du côté de la baie de Chorrera, il ne serait pas plus aisé qu’à Panama même de ménager un mouillage commode, profond et sûr, bien accessible des deux côtés, et si par conséquent ce ne serait point là que devrait aboutir le canal en suivant le Caïmito.

Autant que l’on peut en juger avec les renseignemens insuffisans auxquels on est réduit encore en Europe sur cette entreprise, la dépense requise pour établir des ports irréprochables à chacune des extrémités du canal serait supérieure à celle du canal lui-même.


V. — Isthme de Darien. — D’après ce qui précède, on doit croire qu’il y a très peu de chances de trouver ailleurs un tracé plus avantageux que celui du lac de Nicaragua et surtout de l’isthme de Panama proprement dit. Cependant nous avons encore à examiner un autre passage, celui de l’isthme de Darien, sur lequel un moment on s’était bercé des plus belles espérances. L’isthme de Darien est bordé du côté de l’Atlantique par le golfe de Darien[1]. Il présente certainement une dépression extraordinaire du sol. Sur son flanc méridional, les montagnes se dressant subitement à une hauteur prodigieuse, les Andes majestueuses de l’Amérique du Sud apparaissent inopinément dans toute leur splendeur et déploient leurs escarpemens sans pareils. Dans le voisinage immédiat des abruptes Cordillères de Quindiù et du Choco, où le voyageur ne peut même plus se fier au pied pourtant si sûr des mules, et où l’homme qui n’a pas la force de grimper est réduit à se faire porter sur les épaules de l’homme ; à côté de cimes couvertes de neiges au moins une grande partie de l’année, ce qui, sous l’équateur, suppose une hauteur extrême, on voit les montagnes s’effacer tout à coup, et une vallée transversale s’ouvrir d’océan à océan. Un beau fleuve, le Rio Atrato, qui coule droit du milieu au nord et se jette dans le golfe de Darien, à peu près au milieu de l’espace compris entre Porto-Belo et Carthagène, et qui est navigable sur une grande étendue, passe fort près d’autres cours d’eau qui sont tributaires de l’Océan Paci-

  1. On a même compris sous ce nom pendant long-temps tout le fer à cheval de l’isthme de Panama proprement dit.