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ESSAIS D’HISTOIRE PARLEMENTAIRE.

qu’elles prenaient leur source, non pas dans l’antagonisme des grands principes politiques, — la révolution y avait mis fin, — mais dans les innombrables et mobiles combinaisons des intérêts de coteries et des ambitions personnelles.

De tels faits sont la meilleure réfutation de l’opinion trop accréditée qui conclut, de ce que la France n’est pas encore arrivée à l’état normal du gouvernement représentatif, qu’elle doit désespérer d’y arriver jamais. Je ne veux certes pas dire que les évènemens accomplis en Angleterre sont le type exact de ceux qui s’accompliront parmi nous. La situation des deux pays présente des différences qui ne permettent pas de procéder par des inductions aussi rigoureuses. Sous le régime établi à Londres par la révolution de 1688, le parti favorable à la restauration fut long-temps beaucoup plus nombreux et plus populaire que ne l’est, sous le gouvernement actuel de la France, le parti légitimiste. D’un autre côté, la maison de Hanovre n’avait pas à lutter contre une opinion radicale et démocratique s’érigeant en patrone de la liberté ; l’ancienne fraction républicaine était morte avec le puritanisme, qui en était l’ame, ne laissant après elle qu’un souvenir à la fois sanglant et ridicule. L’aristocratie, plus puissante sous sa forme moderne qu’elle ne l’avait jamais été aux temps féodaux, était en pleine possession du pays, et bien que pendant assez long-temps une portion considérable de cette aristocratie, surtout dans les rangs secondaires, soit restée attachée à la cause des Stuarts, l’union des grandes familles whigs, c’est-à-dire des maisons les plus illustres et les plus riches, était hautement proclamée comme la base la plus solide de la succession protestante. Tout cela, je le répète, ressemble trop peu, en beaucoup de points, à ce qui existe aujourd’hui en France, pour qu’il fût raisonnable de puiser, dans une assimilation arbitraire, des inductions aussi inexactes que les termes de la comparaison dont on les ferait découler. De ce qu’on a réussi en Angleterre avec de tels élémens, il serait certainement peu logique de conclure, avec une pleine assurance, que le même succès est promis à un gouvernement placé dans des conditions en partie différentes ; mais ce qui ressort incontestablement des souvenirs historiques rappelés tout à l’heure, c’est qu’il serait contre toute vérité et contre toute justice d’imputer exclusivement à l’organisation démocratique de la France ces longues oscillations dont la Grande-Bretagne n’a pas été préservée par la puissance de son aristocratie ; c’est que si, en Angleterre, le temps a fini par y mettre un terme, il est permis d’espérer qu’il amènera pour la France le même résultat ; c’est enfin que quelques années ne suffisent pas