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ESSAIS D’HISTOIRE PARLEMENTAIRE.

n’avoir pas encore obtenu justice de ce qui paraissait une monstrueuse iniquité. Le parlement retentissait à ce sujet des plus véhémentes déclamations.

Walpole comprit ce que cette situation avait de dangereux. Avec son bon sens pratique, il prévoyait qu’une guerre maritime contre l’Espagne ferait un mal énorme au commerce, sans procurer au pays un dédommagement de quelque importance. Il sentait pourtant que cette guerre devenait de jour en jour plus probable, et que bientôt, si on n’arrivait à une transaction, il ne serait plus possible de l’éviter. Il redoubla donc d’efforts pour faire comprendre au cabinet de Madrid la nécessité de se concerter dans le but de prévenir une rupture également regrettable pour les deux parties. Un moment il crut y avoir réussi. Une convention préliminaire qui semblait préparer un arrangement définitif fut signée à Madrid, et l’annonce de cet évènement eut pour effet immédiat de calmer un peu les esprits ; mais cette impression ne dura pas. Lorsqu’on connut en détail les clauses de la convention, bien éloignées en réalité des prétentions de l’opinion publique en Angleterre, l’irritation, un instant apaisée, se réveilla avec plus de force. Elle éclata dans la chambre des communes, où le ministère ne parvint qu’avec beaucoup de peine à faire voter une adresse de félicitation en réponse à la communication royale du traité préliminaire. Le discours de Pitt contre le projet d’adresse, plein de chaleur et d’un patriotisme un peu déclamatoire, est considéré comme le plus remarquable qui ait été prononcé dans cette discussion (8 mars 1739).

Comme l’opposition l’avait prévu, la convention de Madrid ne termina rien, et l’Espagne continuant à se refuser aux concessions qu’on lui demandait, la guerre éclata. Le système de Walpole était enfin renversé sans que son opinion personnelle se fût modifiée. Il commit alors une grande faute. Au lieu de tomber noblement avec la politique pacifique dont on s’était habitué à le considérer comme le représentant, il voulut conduire lui-même cette guerre qu’il n’avait pas cessé de désapprouver. Moins aveuglé par un intérêt personnel bien mal entendu, il eût compris qu’il n’y avait pour lui aucun avantage possible dans la position à laquelle il se résignait ; que, si la guerre était heureuse, l’opposition y trouverait un texte commode pour lui reprocher de l’avoir tant différée et d’en avoir ainsi diminué les chances favorables ; que, si au contraire elle tournait mal, cette même opposition en rejetterait sur lui la responsabilité en alléguant avec quelque raison qu’on est rarement apte à bien exécuter une entreprise dont on a blâmé le principe. — C’est ce qui arriva en effet. Cette