Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 5.djvu/737

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
733
ESSAIS D’HISTOIRE PARLEMENTAIRE.

qui s’était passé, sa position dans la chambre des communes ne serait plus supportable, entra à la chambre haute avec le titre de comte de Bath. Il y prit place pour la première fois le même jour que Walpole, qui, l’abordant d’un air de bonhomie, lui dit malicieusement : « Eh bien ! milord, à dater d’aujourd’hui, nous sommes certainement, vous et moi, les deux êtres les plus insignifians de l’Angleterre. » Pulteney ne se releva pas de cette chute. Par l’acceptation de la pairie, il avait perdu jusqu’à la force morale attachée à cette réputation de désintéressement qui lui tenait tant à cœur. Bien qu’il ait encore vécu plus de vingt ans, son nom n’a plus figuré que dans d’obscures et impuissantes intrigues de cour.

La crise ministérielle qui avait suivi la retraite de Walpole n’avait donc satisfait complètement aucun parti. Sans parler même des tories, condamnés par leurs antécédens au stérile honneur de servir d’auxiliaires à toutes les oppositions, une portion considérable des whigs qui avaient combattu le précédent cabinet était restée en dehors des arrangemens convenus entre Pulteney et le duc de Newcastle. C’est assez dire qu’elle était hostile au résultat de ces arrangemens. La fraction dont je veux parler, c’est celle qu’on appelait alors le parti cobhamite, parce qu’elle avait pour chef avoué le vieux lord Cobham, l’un des principaux officiers-généraux de cette époque, homme considérable et populaire. Autour de lui se groupaient plusieurs jeunes députés d’un mérite éminent, tels que George, depuis lord Littleton, tels que les quatre frères Grenville, dont l’aîné, Richard, fut connu plus tard sous le nom de lord Temple, neveux, comme Littleton, de lord Cobham ; tels enfin que Pitt, qui devait, plusieurs années après, épouser la sœur des Grenville. Comme tous les partis de ce temps d’oligarchie, celui dont il s’agit s’était plutôt formé dans des vues d’ambition personnelle et d’intérêts de famille que pour assurer le triomphe d’un principe ou même d’une mesure de quelque importance ; mais ce qui le distinguait des autres, ce qui l’élevait fort au-dessus de ces misérables coteries, types complets de médiocrité et d’étroit égoïsme, c’étaient les talens distingués de la plupart des hommes dont il se composait. Cela explique parfaitement l’immense influence que cette réunion a exercée pendant trente années sur les destinées de l’Angleterre, bien que, parmi les subdivisions du parti whig, ce ne fût pas, à beaucoup près, celle qui comptait dans son sein les plus grandes maisons et les fortunes les plus considérables, bien que, par ses exigences impérieuses et hautaines, elle se fût attiré de bonne heure d’implacables ressentimens. Ceux dont elle avait blessé l’amour-propre ou dérangé la for-