Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 5.djvu/744

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
740
REVUE DES DEUX MONDES.

du conseil, d’accord avec les deux Pelham, vota pour réduire à huit mille le nombre de ces auxiliaires. Lord Granville donna sa démission (novembre 1744). Tout était prêt pour le remplacer ; le nouveau cabinet fut aussitôt formé. Lord Chesterfield, chef de l’opposition de la chambre des lords, devint vice-roi d’Irlande et en même temps ambassadeur en Hollande. Le duc de Bedford fut mis à la tête de l’amirauté. Lord Harrington succéda à lord Granville dans le poste de secrétaire d’état. Deux des jeunes cobhamites, George Lyttleton et George Grenville, obtinrent des emplois subordonnés à la trésorerie et à l’amirauté ; enfin lord Cobham lui-même fut promu à la dignité de maréchal, et bientôt après fit partie du conseil de régence pendant un voyage du roi en Allemagne. — Ce ministère, connu sous le nom de ministère aux larges bases (broad bottom), parce qu’il s’était formé de l’accord de toutes les nuances du parti whig avec quelques tories, réunit pendant quelque temps dans le parlement l’unanimité des suffrages. Le système politique n’avait pourtant subi aucune modification essentielle. On avait, il est vrai, suivant le vœu de l’ancienne opposition, diminué le nombre des troupes hanovriennes entretenues par l’Angleterre pour protéger les états autrichiens, et la somme provenant de cette réduction avait été remise, à titre de subside, au cabinet de Vienne ; mais celui-ci s’était bien gardé de l’employer à autre chose qu’à prendre à sa solde ces mêmes Hanovriens congédiés du service anglais. Se contenter d’un tel revirement, c’était faire bon marché des principes ; mais on avait pourvu à la satisfaction des ambitions personnelles, et à cette époque plus qu’à aucune autre, c’était le moyen le plus certain de s’assurer l’appui des hommes influens. Aussi, la session qui suivit cet arrangement n’offrit-elle aucune difficulté sérieuse. Pitt, laissé en dehors de l’administration, y voyait ses amis installés. On lui avait fait concevoir à lui-même de grandes espérances. Il n’hésita pas à soutenir franchement le nouveau cabinet. Un évènement qui, en réveillant l’animosité des grands partis, semblait devoir faire trêve à de mesquines intrigues, vint d’ailleurs bientôt fournir plus qu’un prétexte à ceux qui pouvaient se sentir embarrassés de leur attitude nouvelle d’auxiliaires de l’administration.

La prolongation de la guerre étrangère avait tiré les partisans de la dynastie déchue de l’apathie dans laquelle ils étaient depuis long-temps plongés. La France, après quelques hésitations, avait conçu le projet d’employer contre l’Angleterre cette arme peu loyale. Une expédition de douze mille hommes avait été sur le point de s’embarquer pour donner la main aux jacobites. Ce qu’on a peine à comprendre aujour-