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à la cause commune en laissant entrevoir des divisions d’opinions. Il combattit aussi avec succès une motion qui refusait aux officiers des corps de volontaires levés pour repousser les insurgés la permanence de leurs grades, et qui par conséquent eût pu affaiblir leur zèle.

La guerre civile durait encore, le prince Charles-Édouard occupait encore l’Écosse à la tête d’une armée victorieuse, lorsqu’une nouvelle crise de cabinet, bien étrange dans ses circonstances, vint prouver une fois de plus combien à cette époque les grands intérêts publics s’effaçaient devant les intérêts et les ressentimens personnels.

Malgré l’énergique appui que Pitt donnait au gouvernement, il continuait à rester en dehors de l’administration. Le duc de Newcastle et son frère, vivement pressés par lord Cobham de l’y faire entrer comme ils l’avaient promis, se disaient impuissans à vaincre la répugnance du roi. Les cobhamites en murmuraient, et déjà Pitt lui-même commençait à laisser entrevoir des symptômes de mécontentement. D’un autre côté, lord Bath et lord Granville, ou, pour les appeler par les noms qu’ils portaient au temps de leur popularité, Pulteney et lord Carteret, ces deux chefs déchus de l’ancienne opposition whig, avaient pris une position singulière, qui, à ce qu’ils espéraient, devait les reporter bientôt au pouvoir. Ils affectaient de plaindre le roi, esclave, suivant eux, d’une faction qui lui imposait ses volontés et ses caprices ; ils parlaient de la nécessité de mettre fin à cette tyrannie, de retirer le gouvernement des mains de ceux qui en faisaient un véritable monopole et d’appeler aux fonctions publiques les partis auxquels cette oligarchie égoïste donnait une injurieuse exclusion. Par ce langage, si propre à flatter les penchans naturels de la royauté, ils s’insinuaient de plus en plus dans la faveur de George II, et en même temps, s’il faut en croire des assertions qui, dans leur singularité, n’ont rien de contraire aux mœurs politiques de ce siècle, ils faisaient des avances à lord Cobham ; ils lui promettaient, s’il voulait s’unir à eux, de joindre leurs efforts aux siens pour ouvrir à Pitt la carrière des emplois publics. On ajoute que ces avances furent repoussées.

Évidemment, la situation devenait menaçante pour les chefs du ministère, les deux frères Pelham. Elle l’était d’autant plus que, comme ils ne l’ignoraient pas, le roi ne leur avait pas pardonné la violence qu’ils lui avaient faite en l’obligeant à se séparer de lord Granville. Dans cet état de choses, ils comprirent qu’il fallait, à tout prix, s’assurer l’alliance déjà chancelante des cobhamites. Après s’être concertés avec eux, ils proposèrent au roi d’opérer, dans les rangs secondaires de l’administration, quelques changemens dont le but était de