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pour forcer la fortune. Il se ligua avec Henri Fox qui, ayant aspiré, comme lui, à la secrétairerie d’état laissée vacante par le duc de Newcastle, éprouvait une égale irritation du renversement de ses espérances. Les choses furent réglées entre eux sur cette base, que, s’ils réussissaient à s’emparer du pouvoir, Fox serait premier lord de la trésorerie et Pitt secrétaire d’état. Bientôt quelques attaques dirigées par ce dernier contre sir Thomas Robinson, que la faveur du roi avait porté au poste dont il s’était vu lui-même repoussé, contre Murray, à qui le duc de Newcastle accordait une confiance particulière, donnèrent le signal des hostilités préparées par cette coalition. Le duc de Newcastle s’en alarma, non sans raison, et, d’accord avec le roi, il mit tout en œuvre pour désunir les nouveaux alliés. Des émissaires leur furent envoyés séparément, Pitt et Fox se firent d’abord la confidence mutuelle des avances dont ils étaient l’objet de la part de la cour ; mais l’union de ces deux rivaux n’était pas à l’épreuve de la jalousie, qu’il était facile de susciter entre eux. La défiance qu’ils s’inspiraient l’un à l’autre ne tarda pas à les séparer, et Fox, jusqu’alors simple secrétaire de la guerre, devint membre du cabinet (avril 1755).

Fox jouissait de la faveur du duc de Cumberland, fils favori du roi et constamment dévoué au parti whig. Pitt, depuis quelque temps, s’était mis, aussi bien que ses beaux-frères les Grenville, en relation avec ce qu’on appelait le parti de Leicester. Ce parti prenait son nom du palais habité par le jeune héritier de la couronne, depuis George III, fils de celui dont la mort avait récemment dissout l’opposition renaissante. Bien que le nouveau prince de Galles fût encore dans un âge qui ne lui permettait pas de jouer, par lui-même, un rôle politique, sa mère et le chef de sa maison, lord Bute, à qui elle accordait une confiance illimitée, étaient devenus le centre d’une coterie qui, composée en partie de tories, affectait de jeter du blâme sur les actes du ministère et sur la direction de la politique personnelle du roi. Sous un souverain plus que septuagénaire les mécontens, les ambitieux, trompés dans leurs espérances, devaient naturellement se rallier à une combinaison à laquelle appartenait l’avenir. Pitt fut bientôt le familier, le conseiller intime et tout-puissant du palais de Leicester, l’allié de ce même lord Bute contre qui il devait un jour soutenir des luttes si violentes. Cependant, comme il n’avait pas ouvertement rompu les liens qui l’unissaient à l’administration, puisqu’il conservait les fonctions de payeur-général de l’armée, les ministres n’avaient pas entièrement renoncé à l’espoir de le calmer et de regagner son appui. Ils