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ESSAIS D’HISTOIRE PARLEMENTAIRE.

rêts du pays, et violé la foi due aux alliés de l’Angleterre. Rappelant les conditions qu’il avait proposées à la France quinze mois auparavant, et qui, suivant lui, étaient encore beaucoup trop douces, qu’il eût rendues plus sévères, si ses collègues le lui eussent permis, il n’eut pas de peine à démontrer combien elles étaient plus avantageuses à l’Angleterre, plus accablantes surtout pour la France, que celles qu’on venait de lui accorder après de nouvelles victoires. Il prétendit que, moyennant les restitutions consenties par le gouvernement britannique, et particulièrement à l’aide des facilités concédées aux Français pour la pêche de Terre-Neuve, ils auraient la possibilité de rétablir un jour leur marine. « La France, dit-il, nous est principalement, sinon exclusivement redoutable comme puissance maritime et commerciale. Ce que nous gagnons sous ce rapport nous est surtout précieux par le dommage qui en résulte pour elle. » Justifiant enfin le système d’alliances continentales, les subsides et les énormes dépenses de la guerre germanique, il résuma son argumentation par ce mot profond et concis : « L’Amérique, messieurs, a été conquise en Allemagne. » Malgré tous ses efforts, le projet d’adresse présenté par Fox fut voté à une forte majorité. Pitt ne fut pas plus heureux dans l’opposition qu’il fit bientôt après à un bill qui soumettait à un droit nouveau et à l’exercice de l’excise certains objets auxquels l’excise ne s’était pas étendu jusqu’alors. C’est dans ce débat qu’il prononça ces paroles fameuses : « La maison d’un sujet anglais est une forteresse. »

Cependant lord Bute, malgré ces succès parlementaires, sentait que le terrain tremblait sous lui. En vain, pour donner à son administration plus d’ensemble et d’homogénéité, avait-il modifié à plusieurs reprises la composition du cabinet, où Fox avait enfin repris place. Ces changemens successifs, effets non équivoques d’un sentiment d’impuissance et de malaise, ne lui donnèrent pas la force dont il avait besoin pour tenir tête à une opposition sans cesse croissante. Les whigs, en voyant exclure, l’un après l’autre, des affaires leurs chefs les plus éminens, commençaient à craindre que le pouvoir ne leur échappât tout-à-fait, et sous le patronage du duc de Cumberland, leur constant protecteur, ils s’organisaient pour combattre le ministère. Le duc de Newcastle, déjà fatigué de sa retraite, cherchait dans des intrigues compliquées un moyen de rendre à sa vieillesse l’activité qui était devenue pour lui une condition d’existence ; rompant avec toutes les traditions de sa longue carrière, ce courtisan assidu, ce serviteur docile de tous les systèmes ministériels auxquels l’Angleterre avait été soumise depuis quarante ans, s’alliait pour la première fois au