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dant, à défaut d’informations plus authentiques, je ne puis me dispenser de reproduire des assertions qui ont au fond un assez grand air de vraisemblance.

Pitt, dans un sentiment exagéré de confiance, s’était persuadé que tous ceux à qui il voudrait bien faire des propositions les accepteraient avec empressement. À son grand étonnement, il éprouva des refus, et quelques-uns des membres de l’administration du marquis de Rockingham ne consentirent pas à devenir les collègues de son successeur. Il dut alors modifier ses premiers plans : il sollicita le concours d’un des personnages que lord Temple lui avait proposés et qu’il avait exclus, de lord Gower, qui à son tour refusa des offres trop tardives pour ne pas être presque blessantes. De plus en plus déconcerté, il alla frapper à la porte du marquis de Rockingham lui-même, à qui il n’avait pas voulu s’associer lorsque cet homme d’état l’en avait supplié ; comme il eût dû s’y attendre, lord Rockingham refusa de le voir. Il est facile de comprendre ce que l’orgueil de Pitt devait souffrir pendant ces pénibles épreuves. Même au milieu de l’espèce d’abaissement auquel la nécessité le réduisait, cet orgueil se faisait jour, dit-on, d’une manière bien originale, dans le langage qu’il tenait aux hommes dont il sollicitait la coopération. On eût pu croire qu’il voulait cacher sous l’apparence du dédain et de la bravade l’humiliation qu’il éprouvait : à l’un, il faisait dire qu’il ne tenait qu’à lui d’avoir un emploi ; à un autre, que tel poste était encore vacant ; à un troisième, qu’il pouvait prendre ou ne pas prendre, selon que cela lui conviendrait, tel département ministériel. Enfin, l’œuvre si péniblement élaborée de la formation du cabinet s’acheva pourtant. Le duc de Grafton, qui, par sa défection, avait déterminé la retraite de lord Rockingham, fut en récompense porté à la tête de la trésorerie ; le général Conway fut maintenu dans ses fonctions de secrétaire d’état, et eut lord Shelburne pour collègue ; lord Camden, ami particulier de Pitt, devint chancelier, et lord Northington, chancelier du précédent cabinet qu’il avait abandonné comme le duc de Grafton, fut nommé président du conseil. L’ambitieux et brillant Charles Townshend, en qualité de chancelier de l’échiquier, prit la direction du parti ministériel dans la chambre des communes. Lord Granby eut le commandement en chef de l’armée. Enfin, Pitt, n’acceptant pour lui-même que le titre à peu près sans fonctions de gardien du sceau privé, réserva toute l’activité de son esprit et ce qui lui restait de forces physiques pour surveiller, animer et diriger l’ensemble du gouvernement. Comme un de ces usages dont on ne se départ jamais en Angleterre attache la pairie