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ESSAIS D’HISTOIRE PARLEMENTAIRE.

question constitutionnelle soit vidée suivant les formes et les principes de la constitution, il faut qu’elle le soit de quelque autre manière, et plutôt que de voir la nation livrer au despotisme ministériel les droits que tout Anglais tient de sa naissance, j’espère, milords, j’espère, vieux comme je le suis, voir encore cette question résolue par une épreuve franche et décisive entre le peuple et le gouvernement. J’ai été nourri dans les principes de la constitution ; je sais que, lorsque la liberté du sujet a été attaquée et qu’on lui refuse réparation, la résistance est justifiée… La grande charte, la pétition et le bill des droits forment ce que j’appellerai la bible de la constitution britannique. Si quelques-uns des malheureux prédécesseurs de sa majesté se fussent moins confiés aux commentaires de leurs ministres, s’ils eussent mieux connu le texte même de cette bible, notre glorieuse révolution serait restée à l’état de théorie, et on n’aurait pas à rappeler à leurs successeurs une aussi terrible leçon. » Passant de cette appréciation sévère de la politique intérieure du cabinet à l’examen de sa politique extérieure, lord Chatham ne la jugea pas avec moins de rigueur. Il fit un crime au ministère d’avoir laissé la France établir sans obstacle sa domination sur la Corse. Il contesta la doctrine professée par le duc de Grafton, qu’un dommage direct porté à l’honneur et aux intérêts du pays pouvait seul autoriser le gouvernement britannique à s’interposer pour défendre un état faible et arrêter les entreprises d’un voisin ambitieux. « Toutes les fois, s’écria-t-il, que cette politique étroite, égoïste, a prévalu dans nos conseils, nous en avons éprouvé les funestes effets ; le danger, différé, mais agrandi, a exigé plus tard de plus grands efforts. » Après avoir ainsi passé en revue les actes principaux de l’administration et signalé partout l’absence du sentiment de la dignité du pays et de la couronne, l’orateur, cherchant les causes de cette dégradation et de la tolérance qu’elle rencontrait, prétendit les trouver dans la corruption que les richesses énormes acquises à certains personnages par la conquête récente de l’Inde avaient répandue tout autour d’eux, dans la modification profonde qu’elle avait apportée à la composition du parlement en ouvrant à des hommes qui n’avaient aucune racine dans le sol l’entrée de la chambre des communes ; il déclara que la constitution était faussée, et qu’il n’y avait plus de rapports entre les commettans et leurs représentans. Il en prit occasion de revenir, avec une circonspection singulièrement remarquable au milieu de ces violentes déclamations, sur cette question naissante de la réforme électorale, que, quelques années auparavant il avait déjà indiquée. Rappelant ce qu’il avait dit