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peu que ces histoires générales en comparaison des vastes collections, des dissertations, des commentaires, des recueils de chartes et de légendes qui ont été publiés sur la Flandre. L’immense érudition des Bollandistes, dont la plupart étaient Flamands, s’est attachée avec une espèce de prédilection à tirer de l’agiologie les lumières qu’elle pouvait fournir sur les antiquités du pays. Un chanoine de Tournai, Wendelin, est l’auteur d’un savant commentaire sur la loi salique, Vredius a rassemblé et discuté en deux gros in-folios, tout ce que les anciens ont dit sur la Gaule septentrionale. À ces travaux systématiques ont succédé les recherches plus sévères et mieux dirigées de Sanderus et d’Albert le Mire. De nos jours, plusieurs savans belges, entre lesquels se distingue M. le baron de Reiffenberg, publient et commentent les vieux romanciers, les chants nationaux, les légendes inédites. En France, un écrivain dont le père et l’aïeul ont rendu de grands services aux archives de Lille, M. Godefroy, s’occupe d’une traduction de Meyer, qu’il enrichira de remarques nombreuses et savantes, et M. Leglay père, chargé actuellement du soin de ces mêmes archives, a déjà publié plusieurs volumes de documens inédits sur des époques importantes de l’histoire de France, de Bourgogne et de Flandre.

Tant de recherches et d’efforts prouvent assez l’intérêt qui s’attache à l’histoire de la Flandre pour ceux qui ont le courage de s’aventurer dans une région encore hérissée des ronces d’une érudition bénédictine. Pour les lecteurs ordinaires, il n’y avait guère que des abrégés secs ou insignifians publiés en Belgique, et quelques histoires plus étendues, mais lourdement écrites. M. Edward Leglay a donc bien fait de réunir, dans un ouvrage convenablement développé, les faits politiques de cette histoire, envisagés sous les rapports nouveaux découverts par la science moderne. Il en a rédigé l’ensemble avec clarté, élégance et ce degré de chaleur qui convient à l’histoire et la fait lire avec plaisir ; il a même intercalé dans son travail quelques extraits de poésies romanes, qui peignent vivement les habitudes impétueuses de la chevalerie de la France septentrionale, la fureur des guerres privées, et la vieille rivalité de l’aristocratie et de l’église. — On ne peut qu’encourager les travaux sur l’histoire de nos provinces, quand ils peuvent, comme le livre de M. Leglay, servir à éclairer et à compléter l’histoire générale du pays.


M. Prosper Mérimée continue ses belles et savantes études sur l’histoire romaine. Un volume inédit, la Conjuration de Catilina, doit paraître sous peu de jours, réuni à une seconde édition de la Guerre sociale, déjà appréciée dans cette Revue[1]. Il est superflu de constater l’intérêt d’une pareille publication. M. Mérimée n’a point eu pour écrire l’histoire à contrarier les tendances naturelles de son talent préparé à cette tâche par des études sérieuses, il y était depuis long-temps appelé par l’élévation et la netteté de son esprit.


V. de Mars.
  1. Deux vol. in-8o, chez Magen.