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élémens, une idée et des sentimens ou des sensations, c’est-à-dire une idée et des modifications actives ou passives. Afin d’expliquer la pensée, M. Rosmini unit l’idée à une sensation ; pour expliquer l’origine des idées, il analyse cette union ; pour démontrer le monde, il la considère comme une équation ; pour démontrer Dieu, il isole l’idée ; pour trouver le principe de toute certitude, c’est encore l’idée qu’il analyse. Le secret du système est là, dans les deux élémens principaux qu’admet M. Rosmini. Une fois cette base acceptée, la logique fera le reste ; mais c’est précisément cette base que nous discuterons avant de suivre le philosophe italien dans les applications variées de sa théorie.

Les deux élémens fondamentaux reconnus par M. Rosmini suffisent-ils à expliquer nos connaissances ? Selon cet écrivain, le premier élément, l’idée, n’est ni intérieure ni extérieure, ni finie ni infinie, ni en nous ni hors de nous ; elle est vide, indéterminée, indifférente à tout : ce n’est qu’une possibilité abstraite. La sensation de son côté est obscure, mystérieuse, incompréhensible ; ce n’est ni un objet, ni une substance ; elle est comme si elle n’était pas. Réunissons les deux élémens : quels résultats pourrons-nous en tirer ? D’abord ils n’expliquent pas la perception, qui chez l’homme entraîne toujours la croyance. — En effet, l’idée du possible, jointe à des sensations qui sont comme si elles n’étaient pas, ne donne tout au plus que des perceptions possibles. Nous voilà dès le point de départ au milieu d’objets possibles, nous-mêmes habitans possibles d’un monde imaginaire. — Les deux élémens ne rendent pas mieux compte de l’origine de nos idées. M. Rosmini se trompe quand il prétend tirer de l’analyse des perceptions les diverses catégories des idées. Qu’est-ce que la perception, suivant lui ? C’est l’alliance de l’idée première, de l’idée du possible, avec des sensations qui n’ont rien de commun entre elles. Or, qu’on analyse comme on voudra cette alliance, on n’obtiendra jamais que des termes, une idée qui reste seule, toujours la même, et des sensations qui, séparées de l’idée, retombent dans le demi-néant d’où elles étaient sorties par l’acte du jugement. Ainsi, après avoir repoussé les idées innées de Kant et les idées acquises de Locke, M. Rosmini se trouve réduit à l’idée seule du possible, insuffisante pour expliquer l’origine de nos autres idées. — Le philosophe italien n’est pas plus heureux quand il cherche, avec l’aide de son idée première, à démontrer le monde et notre propre existence. L’idée de l’être possible convient, dit-il, à la nature aussi bien qu’à nous-mêmes. Nous lui accordons