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couvertes, et c’est toujours des profondeurs de la réflexion, une et systématique dans tous ses actes, que sortent les merveilles de l’industrie et de l’art. La raison pourrait-elle s’égarer naturellement ? Dans ce cas, il y aurait des raisonnemens sans raison ; essentiellement logique, l’intelligence ne détruit pas pour détruire, elle n’a pas de facultés pour l’erreur ou pour la vérité, elle ne combat pas pour combattre ; sans idées, elle est immobile ; une fois en mouvement, elle ne détruira les idées que par les idées ; si elle détruit en construisant, c’est qu’elle construit en détruisant. Est-il un dogme qui fasse irruption dans le monde sans prendre la place d’un dogme antérieur ? Ce combat incessant des idées par les idées montre qu’il n’y a pas de vides dans l’intelligence, que tout tient à tout dans la pensée, que tout obéit aux lois de la logique dans la société, et que dans l’histoire un mouvement unique rallie les moindres inventions de l’industrie aux abstractions les plus élevées de la philosophie.

Au reste, la raison, une et identique dans tous les actes de l’intelligence, est en même temps une et identique dans tous les hommes : veut-on qu’elle soit rétrograde ? elle le sera dans les individus comme dans les masses ; le célibat ne change pas la nature des hommes. Reconnaît-on qu’elle est progressive ? elle doit l’être dans les masses comme dans les individus ; le mariage ne peut pas falsifier la logique. Si les philosophes, les conquérans et les législateurs marchaient au rebours de l’humanité, jamais à aucun moment de l’histoire les individus n’auraient été compris par les masses ; les uns auraient été plus que des hommes, et les autres moins que des brutes. Donc il est faux que la raison soit condamnée à des aberrations sans but, il est faux que les peuples soient livrés à une déchéance irrésistible, il est faux que le monde ancien ait été condamné à périr par les peuples. Et si la chute du monde ancien est imaginaire, que devient la rédemption divine du monde moderne ? Une œuvre inutile, telle que la conçoit M. Rosmini, et, ce qu’il y a de plus singulier, c’est qu’après l’avoir invoquée comme un miracle nécessaire, il l’explique comme un fait très naturel. Laissons parler l’auteur anonyme d’une brochure sur M. Rosmini, évidemment inspirée par les jésuites, et dont il convient de résumer ici l’esprit plutôt que la lettre : — De notre temps, dit-il en s’adressant au prêtre tyrolien, l’incrédulité prend une nouvelle forme, elle ne nie plus la grandeur de la révolution chrétienne ; Voltaire nous insultait, on réfutait la Bible, les impies préféraient le paganisme à l’Évangile, l’absence de toute religion à une religion. Aujourd’hui les philosophes aspirent à nous remplacer ; réduisant