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pas à faire pour soumettre l’industrie tout entière à ce régime des règlemens administratifs dont le progrès des mœurs l’avait affranchie.

La première mesure qui porta l’empreinte de cette tendance fut l’acte du 10 août 1842, qui interdit l’emploi des femmes et des jeunes filles dans les travaux souterrains des mines, et qui ne permet pas d’y occuper les enfans mâles avant qu’ils aient atteint l’âge de dix ans. Relativement aux enfans, la loi de 1842 dévie à moitié du principe posé par la loi de 1833, car elle se borne à régler l’âge de l’admission, et elle ne met aucune limite à la durée du travail. C’est plus qu’une inconséquence, c’est une injustice. Si le législateur a cru devoir s’interposer pour que l’on n’excédât pas les forces du jeune ouvrier dans les manufactures, l’on ne comprend pas qu’il refuse au jeune ouvrier des mines une semblable garantie ; et s’il a craint de retrancher par ces restrictions quelque chose du salaire dans les mines, pourquoi les familles employées dans les manufactures auraient-elles moins de liberté ?

En ce qui touche le travail des femmes, le parlement anglais est entré dans une voie où il ne s’arrêtera pas quand il le voudra. Ce qu’il a déjà fait l’engage presque autant que ce qu’on lui demande. Si le pouvoir législatif pense avoir le droit d’exclure les femmes de certaines occupations, les mêmes raisons le conduiront à régler, dans les occupations qu’il leur permet, le temps qu’elles doivent y consacrer. Si l’on interdit aux femmes les travaux souterrains, afin de les renvoyer au foyer domestique, il est difficile qu’on les laisse travailler quinze heures par jour dans un atelier de tissage ou dans une filature, de manière à consumer leur existence entre la manufacture et le sommeil. De là les dispositions du bill que le parlement vient de voter.

Cette loi ne s’adresse qu’aux industries déjà comprises dans l’acte de 1833. Toutes les autres branches du travail manufacturier restent en dehors de ses prévisions, et, sur ce point, l’enquête de 1841, qui a révélé de si déplorables abus, demeure sans résultat. Pour expliquer son inaction, le gouvernement a prétendu qu’il ne reculait que devant l’impossible ; mais cette impossibilité paraît contestable à beaucoup d’égards. Sans doute il est plus facile d’imposer des règlemens aux manufactures qui réunissent un grand nombre d’ouvriers et d’en surveiller l’exécution dans leur enceinte, que de s’attaquer aux petits ateliers, organisés souvent de manière à éluder la vigilance de la loi. Cependant, dès que l’enfant travaille hors de la maison paternelle, l’autorité peut le suivre et le protéger dans ce travail. Il n’y a pas de métier en Angleterre dans lequel l’apprentissage ne donne lieu à certaines stipulations en faveur de l’apprenti, et partout où atteint l’action