Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 6.djvu/212

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
206
REVUE DES DEUX MONDES.

Je me réfugierai à Colombier, et de là j’écrirai, je parlementerai, et je me marierai ; puis, après tous ces rai, je dirai, comme Pangloss fessé et pendu : « Tout est bien. »

À quatorze milles d’Ambleside, Kendal, 1er septembre.

« … C’est une singulière lettre que celle-ci, madame, — je ne sais trop quand elle sera finie, — mais je vous écris et je ne me lasse pas de ce plaisir-là comme des autres. — Me voici à trente milles de Keswick, où j’ai vu mon homme. — J’ai vingt-deux milles de plus à faire. Je vous écrirai de Lancaster. La description de Patterdale est dans mon porte-manteau, — et je ne puis le défaire. Je vous l’enverrai de Manchester, où je coucherai demain ; — je vais à grandes journées par économie et par impatience. — On se fatigue de se fatiguer comme de se reposer, madame. — Pour varier ma lettre, je vous envoie mon épitaphe. — Si vous n’entendez pas parler de moi d’ici à un mois, faites mettre une pierre sous quatre tilleuls qui sont entre le Désert et la Chablière[1], et faites-y graver l’inscription suivante ; — elle est en mauvais vers, et je vous prie de ne la montrer à personne tant que je serai en vie. — On pardonne bien des choses à un mort, et l’on ne pardonne rien aux vivans. —

EN MÉMOIRE
D’HENRI-BENJAMIN DE CONSTANT-REBECQUE,
Né à Lausanne en Suisse,
le 25 nov. 1767[2].
Mort à, dans le comté
de
en Angleterre.
Le  septembre 1787.

D’un bâtiment fragile imprudent conducteur,
Sur des flots inconnus je bravais la tempête.

  1. Campagnes près de Lausanne, appartenant alors à la famille Constant.
  2. Benjamin Constant, comme bien des gens, se trompait sur la date précise de sa naissance. Voici ce qu’on lit dans les registres de l’état civil de Lausanne : « Benjamin Constant, fils de noble Juste Constant, citoyen de Lausanne et capitaine au service des États-Généraux, et de feue Mme Herriotte de Chandieu, sa