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agréable. Aussi je t’en témoignerai ma reconnaissance : j’ouvrirai avec tout le soin possible la lettre que tu fermes, pour ne pas défigurer ton joli visage. Si cette lettre pouvait être aussi longue que ce bavardage-ci ! Mais c’est ce qu’elle se gardera bien d’être. Mme de Charrière a des opéras, des feuilles, des Calistes à faire, et un pauvre diable, à deux cents lieues d’elle, ne peut manquer d’être oublié. Quand elle recevra ceci, jamais elle ne pensera à m’écrire longuement. Elle attendra le jour du courrier, elle prendra une feuille, écrira trois pages, à lignes bien larges, et l’adresse sur la quatrième. (Je vous fais réparation avec bien du plaisir et de la reconnaissance.)

Le 7.

« Adieu, madame, je ferme ma lettre. Puissent tous les bonheurs vous suivre ! Puisse votre santé être on ne peut pas meilleure ! Puissent toutes les modulations se présenter à vous assez tôt pour ne pas vous fatiguer, et assez tard pour que vous ayez du plaisir en les trouvant ! Puissent les souverains de l’Europe (vous n’écrivez du moins jusqu’ici, à ce que je crois, que pour l’Europe et pour les nations favorisées), puissent, dis-je, les souverains de l’Europe s’éclairer en lisant vos feuilles et se conformer en partie à vos sages vues (je dis en partie, parce que, pour les dédommager d’être rois et princes, il faut bien leur laisser l’exercice de leur pouvoir et la jouissance de quelques-unes de leurs fautes) !

« Une lettre de vous ! Dieu ou le sort, ou plutôt ni Dieu ni le sort (que diable ont-ils à faire dans notre correspondance ?), mais l’amitié soit bénie ! Comme la poste part dans une ou deux heures, je n’ai pas le temps d’y répondre ; mais je vous en remercie. Quant au conte de Mme Moulat, j’en ai ri. Mais je n’ai pas pardonné à la jérémisante donzelle : pardonner, c’était bon à Colombier ; j’étais près de vous, je me souciais bien de tous ces clabaudages ; j’étais Jean qui rit, je suis Jean qui pleure, et Jean qui pleure ne pardonne pas. J’ai écrit à Mlle Marin, de Bâle et d’ici, deux petitissimes lettres, et je lui ai dit, en lui donnant mon adresse, que j’espérais qu’elle m’écrirait ici. C’est tout ce que je puis faire. Le ton de sa première lettre me guidera pour mes réponses. Quant à mon oncle, qui a eu sa part dans ces clabauderies, je lui ai aussi écrit un bref billet de Rastadt, d’où je vous écrivis aussi. Je le remercie dans ce billet des amitiés qu’il m’a faites, etc., etc., et j’ajoute : Les inquiétudes même que vous avez eues sur mon séjour à Colombier, quoique absolument sans fondement, n’en étaient pas moins flatteuses, puisqu’elles prouvaient l’intérêt que vous