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sujet. Malgré tout cela, ce tableau porte la marque d’un travail consciencieux, habile, intelligent, et s’il n’a pas des qualités supérieures, il est loin pourtant de devoir être confondu avec la foule des peintures du même genre. L’œuvre et l’artiste sont assez forts pour motiver la critique, et par conséquent pour la supporter. L’auteur d’une autre Pietà, M. Comairas, nous pardonnera de nous borner, à l’égard de sa peinture, à une simple indication, quoiqu’elle méritât mieux. Nous ajouterons cependant que si, par l’énergie de l’exécution et par d’autres qualités d’un ordre élevé, l’œuvre qu’il expose est assez remarquable pour rappeler son très beau Christ au tombeau, elle ne l’est pas assez pour le faire oublier.

Si quelques études de carnations, comme on disait autrefois, peintes avec une grande adresse ou plutôt une grande rouerie pratique, suffisaient pour constituer un tableau d’église, M. Champmartin en aurait certainement fait un dans son Christ aux petits enfans. C’est vraiment dommage que tous ces petits corps frais et rosés ne se détachent les uns des autres et du fond de la toile que par des contours de noir de suie, d’une dureté et d’une opacité qui font tache. Comment peut-on être si inhabile et si habile en même temps ? La figure en chemise, assise au centre, n’est probablement désignée comme un Christ par le livret que pour indiquer que le tableau est destiné à une église.

L’annonce de trois tableaux de M. Ziégler avait fait quelque sensation avant l’ouverture du salon. On se demandait avec une sorte d’inquiétude ce que pouvait avoir de nouveau à montrer l’auteur des peintures de la coupole de la Madeleine. On parlait d’une Notre-Dame des Neiges, d’une Vénitienne, d’une Rosée qui répand des perles, désignations singulièrement énigmatiques et mystérieuses. Pour notre part, nous n’avons jamais partagé cette curiosité ; nous ne comprenions pas qu’il y eût, à l’égard de M. Ziégler, matière à question, après un fait aussi considérable que celui des peintures de la Madeleine. Nous supposions qu’il n’y avait qu’un avis sur ce travail, ou tout au plus deux, celui de l’auteur et celui du public et des artistes. On pouvait donc avoir l’esprit parfaitement en repos sur le résultat d’une nouvelle expérience.

Notre-Dame des Neiges est tout simplement une Vierge, col bambino, assise sur un tertre en plein air. À quelque distance, des hauteurs couronnées de neige expliquent le surnom donné à cette madone, à l’imitation sans doute de ceux de Vierge à la chaise, au lézard, au poisson, aux candélabres, qui servent à distinguer celles de Raphaël. M. Ziégler a dû naturellement songer à ce précédent et