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permission peut être retirée en certains cas. Les représentations ne sont pas soumises à un régime moins restrictif : bien que la liberté de la presse soit reconnue et consacrée comme un des premiers droits du peuple, toutes les pièces de théâtre sont soumises à la censure. Un pamphlet dialogué de Fielding, Pasquin, paraît avoir amené l’établissement de ce mode de surveillance. Cette pièce contenait une satire très violente du pouvoir politique, et Fielding portait la licence de ses attaques jusqu’à l’emportement et la provocation. La censure, condamnée seulement par quelques esprits absolus, n’a soulevé aucune réclamation puissante dans l’enquête de 1832. De graves témoins en ont reconnu la nécessité. « Les allusions politiques, dit l’un d’eux, M. Thomas Morton, dont les ouvrages ont eu l’heureux privilège d’attirer la foule, sont avidement saisies par les spectateurs, la scène devient un foyer de provocation ; les applaudissemens y enflamment les esprits, les mécontentemens publics peuvent s’y traduire en révoltes. Rien de plus terrible qu’une assemblée furieuse (enraged). Je tiens, dit-il encore, du célèbre Talma, que la révolution française ne fit que des progrès insignifians tant que les théâtres ne servirent point d’arène aux passions populaires ; mais aussitôt que la scène devint une tribune, le mouvement fut irrésistible. » Plusieurs considèrent la censure comme avantageuse aux théâtres. Une surveillance étroite et constante peut seule protéger efficacement la société. Le public ne souffrirait pas des représentations ouvertement immorales ou séditieuses, mais il en tolérerait dans lesquelles l’immoralité et la sédition s’infiltreraient à certaines doses.

La censure paraît avoir été conciliante et facile ; elle a provoqué peu de plaintes. Quelques-uns l’accusent de caprice ou de partialité ; la plupart rendent hommage à son bon esprit. L’examinateur lit les pièces, efface les passages ou les mots qui lui paraissent répréhensibles, et, si l’ensemble attire son blâme, prononce une interdiction complète. Il s’attache à supprimer tout ce qui est indécent, profane ou irréligieux, tout ce qui justifie ou encourage le vice ou le crime, tout ce qui fait allusion aux événemens publics contemporains, et surtout les mots qui peuvent exciter du trouble. Une tragédie de Charles Ier fut refusée, parce qu’il ne manquait à la peinture du régicide que de voir tomber sur le théâtre la tête du monarque infortuné. Dans une autre pièce, on faisait dire à un personnage, en parlant du roi Guillaume : « Il joue du violon comme un ange. » Cette phrase fut supprimée. La censure retranche sévèrement toutes les expressions grossières ou impies. Ainsi, elle ne souffre pas ces